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Au Brésil, la renaissance de la “littérature de cordel”, poésie populaire du Nordeste

- Business
janvier 11, 2025

Dans le Brésil du XXe siècle, rares ont été les nouvelles qui ont soulevé plus d’émotion que le suicide du président Getúlio Vargas. Aux petites heures d’un matin d’août 1954, poussé à la démission, l’homme politique le plus remarquable que le pays avait connu depuis des décennies est monté dans ses appartements de la résidence présidentielle, a enfilé son pyjama et, attrapant un revolver, il s’est tiré une balle dans le cœur.

Cette annonce fracassante a mis un certain temps à parvenir dans les régions isolées et pauvres du Brésil, tel l’arrière-pays des États de Pernambouc ou de Paraíba. Les journaux n’arrivaient pas jusque dans ces contrées arides du Nordeste, et la radio était encore un luxe réservé aux familles aisées. La nouvelle est arrivée par le biais de ce que l’on appelle la littérature de cordel, une poésie populaire traditionnelle publiée en folhetos, ou livrets, que les colporteurs exposaient à la vente accrochés à des cordes à linge (d’où leur nom).

Apparus au XIXe siècle, ces récits en vers ont été pendant des décennies un moyen d’information, de divertissement et également d’alphabétisation pour des millions de Brésiliens. Après avoir sombré un temps dans l’oubli, le cordel se réinvente et revient aujourd’hui en force grâce à Internet, à la voix que lui ont ajoutée les femmes et à des thématiques nouvelles.

Lors de ses funérailles, Getúlio Vargas, surnommé “le père des pauvres” pour avoir mis en place des lois sociales favorables aux travailleurs brésiliens, a été escorté par un immense cortège populaire dans les rues de Rio [alors capitale du Brésil]. Son suicide a inspiré une bonne soixantaine de livres de cordel et est devenu l’un des succès les plus mémorables du genre, atteignant des chiffres de vente qui feraient pâlir les records actuels : deux millions d’exemplaires.

“Pour connaître la fin, achetez-le !”

Le cordel est l’un des piliers de la culture du Nordeste. Ces poèmes en vers, écrits en langage simple, présentent des rimes recherchées et une métrique parfaite – deux éléments qui caractérisent cette poésie narrative composée en sizains. Les fascicules de cordel, imprimés sur du mauvais papier journal au format in-quarto et ornés en couverture de gravures sur bois, parvenaient jusque dans les localités les plus isolées les jours de foire. Les marchands ambulants rivalisaient d’ingéniosité pour faire l’article.

“L’auteur ou le colporteur déclamait les vers sur la place du marché. S’il s’agissait d’un roman, il en lisait un passage puis, lorsque le suspense était à son comble, il s’arrêtait et disait : ‘Et maintenant, pour connaître la fin, achetez-le !’”, raconte Jorge Renato de Menezes, 55 ans, qui a repris le pseudonyme de Jorge Filó, qui a fait la gloire de plusieurs générations de cordelistas de sa famille. C’est à Recife, dans l’État de Pernambouc, où a été imprimé le premier livret de cordel, que nous le rencontrons, dans une ancienne prison dont les hautes galeries et les cellules ont été reconverties en marché d’artisans.

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