Sur les rives du lac Victoria, dans le sud-ouest du Kenya, le comté de Homa Bay affiche un taux de grossesses précoces parmi les plus élevés du pays. Plus de 30 % des jeunes filles âgées de 15 à 19 ans y sont déjà mères ou enceintes de leur premier enfant.
Derrière ce taux presque deux fois plus élevé que la moyenne nationale se cache une épidémie de violences sexuelles. Mais dans le district de Kochia, “une révolution silencieuse est en marche, conduite par un réseau invisible de vigies communautaires qui ont juré de protéger leurs filles”, raconte le quotidien Nation.
Dans chaque pâté de maisons regroupant une dizaine de foyers, deux responsables, un homme et une femme, ont été nommés pour guetter les indices de violences sexuelles. Tous ont été choisis pour leur intégrité et leur discrétion.
“Ils sont de ceux qui peuvent garder un secret et qui ne partageront pas des informations sensibles avec leurs amis autour d’un thé”, résume Judith Ojijo, l’une de ces vigies. Un système d’une “élégante simplicité et pourtant remarquablement efficace”, qui a permis de briser le tabou du viol dans le comté, souligne Nation.
“Les familles règlent souvent ces affaires avec du bétail ou de l’argent, mais notre réseau est en train de changer cette culture du silence”, assure Judith Ojijo. Une culture particulièrement ancrée dans les cas d’inceste, nombreux dans cette région marquée par une pauvreté qui accentue la vulnérabilité des jeunes filles.
Inceste
Les vigies le savent bien, elles se doivent d’être particulièrement attentives au moment des fêtes de Noël, généralement synonymes de grandes réunions familiales. Judith Ojijo le constate :
“Parfois, les vacances deviennent la saison de la chasse”.
Dans le centre de santé de Kochia, l’initiative semble avoir été un puissant vecteur de changement. “Nous avions 35 accouchements d’adolescentes par an, témoigne Winnie Oluoch, l’une des responsables du Nyagoro Health Centre. Désormais ? Un seul.”
Au sein du centre, d’autres initiatives complètent le travail du réseau de surveillance, comme la mise en place d’un “lieu sûr” (“safe space”) où les jeunes filles peuvent accéder aux services de santé sexuelle et reproductive “sans jugement”.
“Le succès de l’initiative du district de Kochia laisse espérer qu’une approche communautaire similaire pourrait être transposée dans d’autres points sensibles de la région”, conclut le quotidien.