Les corps émaciés remontés de l’enfer de Stilfontein, dans le nord-ouest du pays, attestent de manière choquante du succès de la stratégie de l’État sud-africain, déterminé à forcer les mineurs illégaux à “se rendre ou à mourir de faim”.
La catastrophe était prévisible – déjà une soixantaine de morts et ce n’est pas fini [à la date du 27 janvier, on compte 88 morts]. Mais ce bras de fer entre l’État et les activités minières clandestines est le fruit d’une histoire complexe. Et résoudre les problèmes qui ont conduit à cette tragédie ne sera pas facile.
Comme tant d’autres drames qui ont marqué l’histoire de l’industrie minière sud-africaine, cette catastrophe fait payer un lourd tribut aux travailleurs noirs pauvres des pays voisins qui, pendant des générations, ont été exploités pour enrichir d’autres personnes grâce aux ressources de l’Afrique du Sud.
L’arme de la faim
Les faits sont les suivants : début novembre, le service de police sud-africain (Saps) dit avoir arrêté 565 mineurs illégaux, les zama zamas [surnom des mineurs illégaux], dans le Nord-Ouest, dans le cadre de l’opération Vala Umgodi.
Dans un communiqué publié à l’époque, les policiers déclarent que les zamas remontent de la mine “poussés par la faim et la déshydratation. Les forces de l’ordre empêchent les habitants qui vivent à l’extérieur de ces mines désaffectées de porter de la nourriture, de l’eau et des produits de première nécessité aux mineurs illégaux. Grâce à cette volonté de l’État, ces mineurs illégaux sont contraints de remonter à la surface.”
L’objectif de la police était de les faire “mourir de faim” – ce sont les termes qu’elle a employés – et les résultats effroyables de cette stratégie sont désormais tangibles.
Couper l’accès à la nourriture et à l’eau est une tactique mise en place pendant des années afin de freiner l’extraction minière illégale de l’or. Il y a plus de dix ans, [la compagnie minière sud-africaine] Harmony Gold a interdit de descendre de la nourriture dans ses exploitations afin d’empêcher ses employés de faire passer en contrebande des vivres aux mineurs illégaux qui s’infiltrent dans les mines en activité et les puits désaffectés, comme celui qui se trouve près de Stilfontein.
“Il faut deux choses pour survivre sous terre : de la nourriture et de l’eau. Vous pouvez toujours trouver de l’eau au fond d’une mine, mais interdire la nourriture est très efficace”, avait alors déclaré Graham Briggs, ancien directeur général de Harmony Gold, à Reuters, en 2012.
Une stratégie rodée
Les syndicats avaient validé cette décision à condition qu’un repas copieux et gratuit soit fourni aux mineurs qui remontent à la surface à la fin de chaque période de travail. Cette politique avait été élaborée en concertation avec les syndicats par une société minière légitime afin