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Pourquoi la BCT s’y oppose-t-elle ?

- Finance
janvier 11, 2025

Dans un contexte économique régional tendu, la Banque Centrale de Tunisie poursuit une politique monétaire prudente qui soulève de nombreuses questions quant à son impact sur l’économie réelle.

 

 

La Banque Centrale de Tunisie (BCT) a poursuivi tout au long de l’année 2024 sa politique de stabilité monétaire en maintenant son taux directeur inchangé à 8%, une décision qui reflète la complexité de la situation économique du pays.

Même avec la baisse notable du taux d’inflation annuel de 9,3% en 2023 à 7% en 2024, cette posture prudente s’explique par plusieurs facteurs structurels et conjoncturels qui contraignent la marge de manœuvre de l’institution monétaire.

En effet, le maintien du taux directeur s’inscrit dans un contexte où l’inflation, bien que préoccupante, montre des signes de stabilisation. Malgré cela, la BCT cherche toujours à éviter tout choc supplémentaire qui pourrait déséquilibrer une économie déjà fragilisée.

La Banque centrale estime qu’une modification de son taux directeur à la hausse risquerait d’asphyxier davantage les entreprises, tandis qu’une baisse pourrait raviver les pressions inflationnistes.

Un équilibre délicat

Dans un contexte économique difficile marqué par la poursuite de la détérioration des finances publiques, le système bancaire tunisien, confronté à des défis de liquidité, nécessite une stabilité des conditions de refinancement.

Pour ce faire, la BCT doit maintenir un équilibre subtil entre le soutien au secteur bancaire et la maîtrise de l’inflation. Cette situation explique en partie la réticence de l’institution à modifier son taux directeur.

Sur un autre plan, la dette publique extérieure de la Tunisie et les négociations en cours avec quelques institutions financières internationales limitent également la marge de manœuvre de la Banque centrale.

Une modification du taux directeur pourrait ainsi envoyer des signaux contradictoires aux partenaires financiers du pays, alors que la Tunisie cherche à préserver la confiance des investisseurs internationaux.

Impact sur le taux de change du dinar

L’année 2024 a connu une stabilité relative du taux de change du dinar. Le maintien du taux directeur a contribué à une relative stabilité de la devise tunisienne, bien que la monnaie reste sous pression.

Ainsi, la stabilité du taux directeur de la BCT a permis de maintenir le dinar tunisien dans un corridor relativement stable. Cette politique, qui privilégie une dépréciation contrôlée plutôt que des ajustements brutaux, vise à préserver les réserves de change du pays tout en soutenant les exportations.

« La gestion du dinar reste un exercice d’équilibriste », confie un analyste financier local qui souhaite garder l’anonymat. Les interventions ponctuelles de la BCT sur le marché des changes témoignent de cette volonté de contrôle, même si les réserves en devises demeurent sous surveillance.

Le secteur privé sous pression

Les PME tunisiennes, pilier de l’économie nationale, font les frais de cette politique monétaire conservatrice. Malgré la stabilité apparente, les conditions de crédit demeurent restrictives, freinant les velléités d’investissement de nombreuses entreprises.

Le secteur touristique, traditionnellement fer de lance de l’économie tunisienne, tire néanmoins son épingle du jeu grâce à la relative stabilité monétaire qui rassure les visiteurs étrangers.

La comparaison avec les pays voisins est éclairante. Alors que le Maroc opte pour une politique monétaire plus souple avec un taux directeur à 2,5%, et que l’Égypte mène une lutte agressive contre l’inflation avec des taux élevés, la Tunisie a choisi une voie médiane.

Cette approche singulière reflète les contraintes spécifiques du pays : une économie fortement dépendante des importations, un secteur touristique vital, et une dette extérieure significative.

Perspectives d’avenir

En se référant au dernier communiqué de la Banque centrale, publié en date du 28 décembre 2024, la politique de stabilité monétaire de la Banque centrale devrait se poursuivre tant que les conditions économiques actuelles persisteront.

Toutefois, la BCT reste vigilante et pourrait adapter sa politique en fonction de l’évolution des indicateurs économiques, notamment l’inflation et la croissance.

La stabilité du taux directeur reflète ainsi une approche prudente, dictée par la nécessité de préserver les équilibres macroéconomiques dans un contexte particulièrement délicat pour l’économie tunisienne.

La BCT devra également composer avec les pressions internationales, notamment des institutions financières qui suivent de près l’évolution de la situation économique du pays.

Face à ces multiples défis, la stabilité actuelle du taux directeur apparaît moins comme un choix que comme une nécessité, illustrant les contraintes qui pèsent sur l’économie tunisienne. Le succès de cette stratégie dépendra de la capacité du pays à mener à bien ses réformes structurelles tout en préservant sa stabilité macroéconomique.

Omar El Oudi

 

Publié le 09/01/25 13:00