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Abir Moussi et le comité de défense des martyrs Belaïd et Brahmi mettent à nu la crise de légitimité du pouvoir

- Tunisie
février 02, 2025

Abir Moussi et le comité de défense des martyrs Belaïd et Brahmi mettent à nu la crise de légitimité du pouvoir

 

Il est clair que la Tunisie vit l’une de ses plus graves crises. Mais c’est une crise qui n’est pas seulement économique et sociale, ou encore une crise politique comme peuvent connaitre tous les pays d’une manière épisodique. La crise que vit le pays est malheureusement plus profonde car c’est une crise éthique qui s’exprime à travers une crise de confiance aigüe entre le gouvernant et ses gouvernés et surtout à travers une crise de légitimité du gouvernant aux yeux de ses gouvernés.

Les manifestations de la crise de légitimité

L’une des manifestations les plus récentes de cette crise de confiance et de légitimité est la position du comité de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Il a annoncé cette semaine qu’il suspend sa participation à toutes les séances du procès parce qu’il soupçonne le pouvoir de vouloir accélérer le procès pour le fermer définitivement dans les plus brefs délais et d’essayer de donner au dossier des deux assassinats un simple caractère de droit commun, estompant son caractère politique et historique. Au temps de la troika et même après, le comité de défense des deux martyrs a montré un courage et une détermination inouïe bravant toutes les formes d’intimidations, de provocations, de pressions et de menaces. Son abdication aujourd’hui marque la lassitude et le dégoût envers un système judiciaire et politique inféodés et auxquels il ôte désormais toute crédibilité et toute légitimité.

D’une manière quasi concomitante, du fond de sa cellule, l’opposante et présidente du parti destourien libre, Abir Moussi, annonce qu’elle ne reconnait plus les procès intentés contre elle ni les jugements qui seront prononcés. Elle affirme qu’elle n’assistera plus aux séances et demande aux avocats de se retirer de ces procès. Par cette position radicale, Mme Moussi entend ôter aux procès intentés contre elle et à l’ensemble du système judiciaire et politique toute forme de crédibilité. Elle tente aussi de profiter de la crise de légitimité que vit le pouvoir en place.

 

En effet, la crise de légitimité dans laquelle le pouvoir en place s’est embourbé devient de plus en plus problématique. Beaucoup de Tunisiens ne comprennent toujours pas comment le président Kaïs Saïed, qui avait prêté serment après les élections de 2019, de respecter la Constitution du pays, s’est empressé après le 25 juillet 2021 de la jeter dans la corbeille et de rédiger une nouvelle constitution à la carte. Ni le référendum sur la constitution ignoré par la majorité des Tunisiens, ni l’élection présidentielle taillée sur mesure, ne lui ont donné une nouvelle légitimité populaire, surtout que le système politique qu’il propose du bout des lèvres, reste incompris et n’enthousiasme pas grand monde. 

Un passé marqué par une crise de légitimité

Il y a quarante sept ans, le pouvoir tunisien avait connu lui aussi, une grave crise de légitimité. C’était à l’occasion des événements du 26 janvier 1978. Une date douloureuse qui a fait des centaines de morts tués par les balles de l’armée sur l’ordre d’un régime despotique tiraillé par ses querelles internes. Prés de cinquante ans après, on ne connait toujours pas le nombre exact de victimes du jeudi noir. On sait juste que leur nombre dépasse de loin le nombre des martyrs de la révolution. On sait aussi que le régime qui s’est permis de tirer sur son peuple, a fini par être éructé par ce peuple et s’est désintégré dès la fuite du président Zine El Abidine Ben Ali le 14 janvier 2011. Par contre, le peuple, même s’il continue de peiner et l’UGTT qui avait appelé à la grève générale, même s’il a pris des rides, sont toujours là.