En janvier 2025, l’Algérie, la Tunisie, l’Italie, l’Allemagne et l’Autriche ont signé une déclaration d’intention commune pour un ambitieux projet de 3.300 km visant à transporter de l’hydrogène vert depuis l’Afrique du Nord (Algérie et Tunisie) vers l’Europe. Bien que cette collaboration promette de s’aligner sur les objectifs mondiaux de décarbonation, des internautes tunisiens ont exprimé des interrogations sur les impacts de l’hydrogène vert en Tunisie.
En 2024, la Tunisie a lancé sa « Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène vert et de ses dérivés« , comprenant une feuille de route, une stratégie nationale et un plan d’actions pour déployer l’hydrogène vert et ses produits dérivés d’ici 2050. Cette stratégie, élaborée dans le cadre d’un processus participatif sous l’égide du ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, a mobilisé les principales parties prenantes à travers des réunions techniques et des consultations. En novembre 2022, un atelier de lancement a marqué une étape clé en réunissant le Comité de Pilotage de l’hydrogène vert, suivi de rencontres bilatérales impliquant le secteur public et privé.
En août 2024, la Tunisie a conclu un protocole d’accord avec HDF Energy, une entreprise française spécialisée dans l’hydrogène vert. Cet accord prévoit l’installation d’une capacité de production combinant 1 GW d’énergie éolienne, 500 MW d’énergie solaire photovoltaïque et 800 MW d’électrolyseurs, permettant ainsi de produire jusqu’à 65.000 tonnes d’hydrogène vert. Quatre ans auparavant, en 2020, la Tunisie avait signé un protocole d’accord dans le cadre de l’alliance tuniso-allemande sur l’hydrogène, ce qui avait alimenté des discussions et un débat dans le pays à ce moment-là.
La ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, Fatma Thabet Chiboub signe un protocole d’accord avec HDF Energy
Qu’est-ce que l’hydrogène vert ?
L’hydrogène vert est produit grâce à l’électrolyse, un procédé qui utilise de l’électricité pour séparer l’eau en hydrogène et en oxygène. Lorsque cette électricité provient de sources renouvelables, ce procédé évite les émissions de dioxyde de carbone associées à la production d’hydrogène à base de combustibles fossiles.
Mais la dépendance de l’hydrogène vert à l’électricité renouvelable pose un paradoxe pour la Tunisie. Bien que le pays ait progressé dans le développement des énergies renouvelables, produire de l’hydrogène vert à grande échelle nécessiterait une augmentation significative de la capacité de production.
Source : terega.fr
Le terme hydrogène vert est souvent associé à la durabilité, mais sa production implique une utilisation importante des ressources. L’électrolyse nécessite de grandes quantités d’eau, une ressource déjà sous pression en Tunisie en raison du changement climatique et de la surexploitation. Selon l’Eurowater : « La capacité d’électrolyseur de 10 MW exige 50 à 60 m3/jour d’eau propre ». De plus, si les sources d’énergie renouvelable ne sont pas priorisées, le processus risque de perpétuer la dépendance à l’électricité non renouvelable.
Notons aussi que des usines de dessalement sont nécessaires pour la production l’eau pure utilisée dans l’électrolyse de l’hydrogène vert, ce dessalement est un processus extrêmement énergivore, en particulier lorsque des technologies comme l’osmose inverse ou la distillation thermique sont utilisées. Si l’énergie nécessaire provient de sources non renouvelables, cela peut générer des émissions significatives de gaz à effet de serre, réduisant ainsi les bénéfices environnementaux attendus de l’hydrogène vert.
Source : Futura-Sciences
Ces usines de dessalement rejettent des quantités considérables de saumure, un sous-produit riche en sel et en produits chimiques. Cette saumure, souvent déversée dans les océans, peut perturber les écosystèmes marins en augmentant la salinité des eaux et en menaçant la biodiversité.
La volatilité de l’hydrogène présente des risques à plusieurs niveaux. Les pipelines et installations de stockage d’hydrogène, souvent sous forme d’ammoniac, posent des dangers d’explosion et des risques chimiques pour les communautés avoisinantes. Par ailleurs, les propositions de mélange d’hydrogène avec du méthane pour le chauffage résidentiel pourraient entraîner des émissions d’oxydes d’azote, aggravant les maladies respiratoires dans les populations vulnérables.
Source : Pollutec
L’hydrogène vert est coûteux à produire en raison du prix élevé de l’énergie issue des sources renouvelables, qui sont essentielles pour générer cet hydrogène à travers le processus d’électrolyse : »Actuellement, produire un kilogramme d’hydrogène vert coûte en effet entre 5 et 10 euros, tandis que l’hydrogène gris, issu de gaz naturel, revient entre 1,50 et 2 euros ». Le processus d’électrolyse nécessite une quantité d’énergie significativement plus importante que celle requise pour produire d’autres types de carburants, et encore davantage pour l’hydrogène vert en particulier. Cette dépendance à une électricité renouvelable abondante et peu coûteuse rend son développement économique encore plus complexe, notamment dans les régions où les infrastructures énergétiques renouvelables ne sont pas encore suffisamment développées comme la Tunisie.
Par ailleurs, l’hydrogène présente des défis majeurs liés à sa nature physique. Extrêmement volatil et hautement inflammable, il nécessite des mesures de sécurité rigoureuses et coûteuses pour éviter les risques d’explosions ou de fuites, que ce soit lors de sa production, de son stockage ou de son transport. Ces caractéristiques compliquent également son stockage à long terme, car il doit souvent être conservé sous forme de gaz sous haute pression ou de liquide à très basse température, ce qui implique des technologies avancées et onéreuses.
En termes de transport, la volatilité de l’hydrogène pose des défis logistiques importants. Les pipelines doivent être spécialement conçus pour éviter les fuites, et les conteneurs de transport doivent résister à des pressions élevées tout en maintenant des normes de sécurité strictes. Ces contraintes logistiques augmentent les coûts et limitent la capacité de l’hydrogène à être distribué à grande échelle.
R.A.