Le journal israélien Jersualem Post a publié jeudi 9 janvier 2025 en milieu de soirée un long article (2827 mots, quinze minutes de temps de lecture) sur les relations tuniso-israéliennes. L’article revient sur la période Bourguiba, puis Ben Ali et évoque les pourparlers secrets tenus entre les délégations des deux pays en citant des noms, des dates et des lieux.
Pour l’intérêt historique du document, Business News vous propose une traduction intégrale et fidèle de l’article de Jerusalem Post. Quelques passages peuvent heurter la sensibilité de certains de nos lecteurs et nous nous en excusons, comme celui qui traite les résistants palestiniens de terroristes, tout comme les martyrs tunisiens décédés après l’attaque israélienne de Hammam Chott en 1986.
Business News décline bien entendu toute responsabilité quant à la véracité des informations contenues dans cet article et des témoignages des différents hauts responsables qui y sont cités. Notre journal ne fait que reproduire ce qui a été écrit par le journal israélien.
Zine el-Abidine Ben Ali : comment l’homme fort de la Tunisie a navigué dans la diplomatie avec Israël
Le mardi 14 janvier marque le 14e anniversaire de la chute du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, qui a déclenché une chaîne d’événements monumentale, jamais observés au Moyen-Orient.
Ben Ali, qui a pris le pouvoir en Tunisie en 1987 suite à un coup d’État sans effusion de sang, a gouverné pendant 23 ans d’une main de fer jusqu’à sa chute, première victime dictatoriale du printemps arabe.
Son mandat a été marqué par des liens étroits avec la cause palestinienne et le nationalisme arabe, tout en maintenant des liens avec l’Occident. Sa position publique anti-israélienne s’alignait sur l’attitude générale des Arabes à l’égard de l’État juif, bien que son gouvernement ait maintenu des pourparlers clandestins avec Israël et établi des relations diplomatiques de bas niveau.
La Tunisie : une nation modérée dans un monde arabe polarisé
La vision nuancée qu’avait Ben Ali d’Israël et de son rôle dans le monde moderne révèle les multiples facettes par lesquelles les nations arabes modernes ont tenté de s’attaquer à l’existence d’Israël et à sa position de force dans la région.
Contrairement à d’autres pays de la région, la Tunisie n’est pas encore tombée sous l’emprise d’un gouvernement islamiste extrémiste. Elle est considérée en Occident comme un pays arabe modéré, qui se concentre sur les questions politiques, sécuritaires et économiques plutôt que sur les batailles idéologiques avec l’Occident. Depuis son indépendance de la France en 1956, la Tunisie a maintenu des liens avec les États-Unis et, au 21e siècle, des liens commerciaux étroits avec l’Union européenne, en particulier avec la France.
La communauté juive tunisienne : une histoire millénaire
La Tunisie a également accueilli l’une des plus anciennes communautés juives ininterrompues au monde – la communauté de l’île de Djerba revendique son existence depuis la destruction du premier temple en 586 avant notre ère. L’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492 a entraîné une deuxième vague d’immigration juive en Tunisie, introduisant les coutumes sépharades et le ladino dans le pays et portant le nombre total de Juifs à 95.000 au début des années 1950.
Pendant la période du colonialisme français, entre 1881 et 1956, les Français ont accordé la citoyenneté aux membres de la communauté juive et, au moment de l’indépendance de la Tunisie, la communauté comptait environ 105.000 membres.
Les vagues d’émigration juive et l’impact des conflits israélo-arabes
Plusieurs vagues d’alya (ainsi que d’émigration vers la France) ont eu lieu, notamment après la création d’Israël en 1948 et à la suite de la guerre des six jours de 1967. Les émeutes antisémites qui ont suivi la victoire éclatante d’Israël lors de ce court conflit ont conduit environ 40.000 Juifs à quitter la Tunisie pour l’État juif entre 1967 et 1968. Aujourd’hui, on estime qu’il ne reste que quelques milliers de Juifs dans le pays.
L’opposition de la Tunisie à Israël – pays dont elle est séparée par plus de 2.000 km. – a toujours été ancrée dans le mouvement nationaliste arabe plus large, qui a vu le jour pendant l’ère coloniale. En tant qu’ancienne colonie française, l’éthique anti-impérialiste de la Tunisie se conjuguait avec l’opposition au sionisme, considéré par ses ennemis comme un projet colonial en Palestine. Ces sentiments se sont renforcés pendant les guerres israélo-arabes de 1948, 1967 et 1973, faisant de la Tunisie un fervent défenseur de la cause palestinienne.
L’héritage de Bourguiba, pragmatisme et controverse
Habib Bourguiba, premier président de la Tunisie, qui a régné de 1957 à 1987, a adopté une approche pragmatique à l’égard d’Israël. Des contacts entre les deux pays ont été établis dès 1956, lorsque les Tunisiens ont demandé aux représentants israéliens aux Nations unies de soutenir leur demande d’indépendance. Dans un discours prononcé en 1965 à Jéricho, Bourguiba a proposé de manière controversée la reconnaissance d’Israël par les Arabes en échange de concessions territoriales, s’alignant ainsi sur les résolutions des Nations unies.
« Quant à la politique du « tout ou rien », elle nous a conduit à la défaite en Palestine et nous a réduits à la triste situation dans laquelle nous nous débattons aujourd’hui », a déclaré Bourguiba.
Cette position, bien que largement critiquée dans le monde arabe, reflétait l’approche plus modérée de la Tunisie à l’égard du conflit.
Habib Bourguiba
L’OLP en Tunisie : un soutien affirmé aux Palestiniens
La position modérée de la Tunisie a semblé pivoter en 1982, lorsque, lors de l’invasion du Liban par Israël pour combattre les terroristes palestiniens, l’OLP, avec son chef Yasser Arafat et 4.000 terroristes, a fui le Levant et a transféré son siège en Tunisie. En accueillant l’OLP, la Tunisie a renforcé son statut de soutien de la résistance palestinienne.
Le bombardement du siège de l’OLP à Tunis par Israël dans le cadre de l’opération « Jambe de bois » en octobre 1985 a tué des dizaines de terroristes palestiniens et de Tunisiens, bien qu’Arafat ait échappé à la mort. En 1988, une deuxième opération israélienne dans le pays, menée par le Mossad, a permis d’assassiner Khalil al-Wazir (Abu Jihad), alors chef de la branche militaire de l’OLP. Ces opérations clandestines, à l’insu des Tunisiens, rappellent le caractère délicat de la position de la Tunisie à l’égard des Palestiniens et de ses relations avec Israël avant l’arrivée au pouvoir de Ben Ali
Zine El Abidine Ben Ali : une ascension politique fulgurante
Zine El Abidine Ben Ali est né en 1936 à Hammam Sousse, quatrième d’une famille de onze enfants. Après l’indépendance de la Tunisie, il rejoint l’armée tunisienne nouvellement formée et est envoyé en France pour y suivre une formation.
De retour en Tunisie en 1964, il commence sa carrière comme officier d’état-major dans l’armée tunisienne. Entre 1964 et 1974, il a été le chef du renseignement militaire. Il a ensuite occupé le poste de directeur général de la sécurité nationale à partir de décembre 1977. Il a également été brièvement attaché militaire dans les ambassades de Tunisie au Maroc et en Espagne.
En avril 1980, il devient ambassadeur en Pologne, poste qu’il occupe pendant quatre ans, après quoi il est nommé ministre de la défense. Après les émeutes du pain en Tunisie en janvier 1984, il reprend ses fonctions de directeur général de la sécurité nationale.
Il devient ensuite ministre de l’intérieur le 28 avril 1986. En octobre 1987, le président Bourguiba le nomme Premier ministre.
Un mois plus tard, le 7 novembre 1987, Ben Ali se lance à l’assaut du pouvoir. Les médecins déclarent Bourguiba incapable de remplir ses fonctions présidentielles en raison d’une incapacité médicale. En tant que premier ministre, Ben Ali démet Bourguiba de ses fonctions et prend le contrôle de la présidence.
Bien que semblant initialement promettre un avenir plus démocratique et plus libre pour la Tunisie, le régime de Ben Ali a rapidement régressé pour devenir le régime autocratique qui allait contrôler la vie des Tunisiens pendant les deux décennies suivantes. Sous la direction de Ben Ali, la Tunisie a été confrontée à d’importants problèmes en matière de droits de l’Homme, notamment en ce qui concerne la liberté de la presse. Au début des années 2000, le gouvernement de Ben Ali était largement considéré comme l’un des plus oppressifs au monde, et la Tunisie était fréquemment classée parmi les pays les plus faibles dans les évaluations mondiales des droits de l’Homme et de la liberté de la presse.
Les relations avec Israël sous Ben Ali
Dès son arrivée au pouvoir, Ben Ali a réaffirmé l’engagement de la Tunisie en faveur de la cause palestinienne et son alignement sur les politiques de la Ligue arabe. Il a constamment condamné les actions israéliennes, en particulier lors des grandes flambées de violence entre Israël et les Palestiniens. Ces déclarations publiques visaient à apaiser le public national et régional tout en maintenant le rôle de leader de la Tunisie dans le monde arabe.
Cependant, malgré une position publique fermement anti-israélienne, les relations de Ben Ali avec l’Occident, et les États-Unis en particulier, ont également contribué à façonner son désir d’établir une certaine forme de liens avec les Israéliens. Sa stratégie visait à obtenir une aide économique et à renforcer la position internationale de la Tunisie.
Dans le sillage de la conférence de Madrid de 1991 visant à relancer le processus de paix israélo-palestinien, il a été question qu’Israël normalise ses relations avec plusieurs pays arabes, dont le Maroc, Oman, le Qatar et la Tunisie, et des pourparlers clandestins ont effectivement eu lieu. La véritable percée, cependant, a eu lieu après la signature des accords d’Oslo en 1993 par le premier ministre Yitzhak Rabin et le chef de l’OLP Arafat.
Zine El Abidine Ben Ali
Le début de la normalisation avec Israël
L’accord d’Oslo I a été signé en septembre de cette année-là et, dès le mois d’octobre, des pourparlers de haut niveau étaient déjà en cours entre les Israéliens et les Tunisiens en vue d’établir des relations diplomatiques.
« C’était immédiatement après Oslo, et les options étaient ouvertes », a déclaré Yossi Beilin, alors vice-ministre des affaires étrangères, au Jerusalem Post. « Je me suis rendu en Tunisie pour rencontrer Arafat en octobre 1993, immédiatement après la cérémonie de signature des accords d’Oslo, et j’ai rencontré certains responsables tunisiens ».
M. Beilin a également rencontré à plusieurs reprises le ministre tunisien des affaires étrangères de l’époque, Habib Ben Yahia, et se souvient de son enthousiasme quant à l’issue des pourparlers.
« C’était assez incroyable. Tout d’abord, ils étaient très pro-juifs. Ils étaient fiers de parler de la communauté juive, et on m’a emmené sur des sites juifs tels que l’école de l’Alliance. Ils étaient très heureux de parler, de se rencontrer et d’échanger des idées. Ce que j’ai trouvé, c’est de l’admiration, une admiration pure et simple [pour Israël]. J’ai également constaté une certaine réserve de leur part lorsqu’ils parlaient des Palestiniens », témoigne M. Beilin.
Habib Ben Yahia
Les discussions entre les deux pays n’ont pas porté spécifiquement sur la sécurité ou les Palestiniens, mais sur d’autres domaines tels que le commerce, le tourisme et les investissements. La signature du traité de paix entre la Jordanie et Israël en octobre 1994 et l’accord avec le Maroc pour l’ouverture de bureaux de liaison en septembre de la même année ont renforcé l’optimisme quant à la possibilité pour Israël de faire la paix avec ses voisins arabes.
Les pourparlers avec les Tunisiens avaient suffisamment progressé depuis octobre 1993 pour que des liaisons téléphoniques soient établies entre les deux pays, et les touristes israéliens commençaient à arriver en Tunisie en plus grand nombre. L’anniversaire de la mort du rabbin Shimon bar Yohai était une occasion particulière de se rendre à Djerba, où des centaines d’Israéliens et des milliers de Juifs français se rendaient pour célébrer l’événement.
« Il s’agit d’un accord que nous poursuivrons jusqu’à ce que nous parvenions à un accord complet sur les relations », a déclaré le ministre des affaires étrangères de l’époque, Shimon Peres, à la radio israélienne après l’annonce de l’accord avec la Tunisie. « À ce stade, nous avons des relations avec trois États d’Afrique du Nord, à savoir l’Égypte, le Maroc et la Tunisie ».
Yossi Beilin
La joie de voir les Palestiniens quitter la Tunisie
M. Beilin se souvient notamment de la réaction des Tunisiens lorsqu’Arafat et l’OLP ont plié bagage et quitté Tunis pour Gaza en juillet 1994 – il semble qu’en coulisses, ils n’aient pas regretté de voir le dirigeant palestinien quitter le pays.
« Les Tunisiens m’ont dit un jour : ‘’Aujourd’hui est un jour très important’’, alors j’ai demandé ce que c’était, peut-être un anniversaire ou quelque chose comme ça », a déclaré M. Beilin au Post. « Mais non. Ils m’ont dit qu’ils organisaient une grande fête d’adieu pour Arafat. Comme je n’ai pas souri, ils ont pensé que j’avais peut-être mal compris. L’un d’eux m’a alors dit : ‘’Non, non, non. C’est une très, très grande fête’’ », dit M. Beilin.
« Il y avait un réel niveau d’intimité, voire une sorte d’amitié. L’attitude était très amicale et ouverte avec les Tunisiens », précise-t-il.
Les pourparlers entre Israël et la Tunisie, même s’ils se déroulaient parfois en Tunisie même, avaient surtout lieu à Bruxelles, jugée neutre. L’idée étant que Tunis et Tel-Aviv ouvriraient des bureaux d’intérêts rattachés à l’ambassade de Belgique dans leurs villes respectives.
« Nous avons négocié principalement à Bruxelles et nous nous y sommes rendus fréquemment », se souvient M. Beilin. « Je suis venu avec la délégation ; mon homologue était le vice-ministre tunisien des affaires étrangères. L’idée était que le bureau israélien en Tunisie et le bureau tunisien en Israël feraient partie de l’ambassade de Belgique. C’est l’idée que les Tunisiens ont réclamée.
Au début, nous avons suggéré qu’il s’agisse d’une ambassade séparée, mais nous n’en avons pas débattu. Nous avons compris qu’il était important pour [les Tunisiens] d’être sous l’égide de la Belgique qui était présente dans nos négociations. »
Les bureaux d’intérêts ont officiellement ouvert leurs portes à Tunis et à Tel-Aviv en 1996, marquant ainsi l’apogée des relations tuniso-israéliennes.
Fin des relations
La population tunisienne s’est massivement opposée à la normalisation avec Israël, motivée par la solidarité avec les Palestiniens et les griefs historiques. Les mouvements islamistes comme Ennahdha ont capitalisé sur ce sentiment, en présentant tout engagement avec Israël comme une trahison des valeurs nationales et islamiques. L’opposition intérieure a limité la capacité de Ben Ali à poursuivre des relations diplomatiques ouvertes.
Sur le plan régional, la Tunisie a également dû équilibrer ses politiques avec celles de ses voisins arabes et maghrébins. Alors que des pays comme l’Égypte et la Jordanie ont conclu des traités de paix avec Israël, d’autres, comme l’Algérie et la Libye, y sont restés fermement opposés. L’empreinte géopolitique plus réduite de la Tunisie a encore limité sa capacité à façonner le discours israélo-arabe de manière indépendante.
Malheureusement, la promesse de normalisation n’a pas été tenue à la fin des années 1990. Le déclenchement de la seconde Intifada en 2000 a changé la donne, et tous les efforts déployés par les responsables israéliens des affaires étrangères pour maintenir des liens avec les nations arabes ont été réduits à néant.
En 2002, les bureaux d’intérêts de Tunis et de Tel-Aviv ont été fermés et tout espoir d’établir des liens diplomatiques officiels s’est estompé. Au cours de cette période, M. Ben Ali a renoué avec son image publique antérieure, soutenant les Palestiniens et diabolisant Israël.
« La question palestinienne reste notre cause la plus importante », a déclaré M. Ben Ali lors de la séance d’ouverture du sommet de la Ligue arabe à Tunis en 2004. « C’est une source de grande préoccupation pour nous parce qu’elle est liée à des questions qui ont une incidence sur la sécurité, non seulement dans la région mais aussi dans le monde entier, en particulier après l’augmentation des agressions israéliennes, qui ont laissé derrière elles de nombreuses victimes », a dit M. Ben Ali.
Ce statu quo a été maintenu pendant le reste de la décennie, M. Ben Ali conservant son emprise sur le pouvoir.
Au cours de cette période, le Département d’État américain a défini la Tunisie comme étant « dominée par un seul parti politique…. Les élections sont régulièrement caractérisées par des irrégularités notables, y compris l’intimidation des électeurs ».
Le bilan de Ben Ali en matière de droits de l’homme est resté médiocre et son régime a continué à commettre de graves abus dans de nombreux domaines, selon le département d’État, notamment des limitations importantes des droits des citoyens, des actes de torture, des intimidations et des violences physiques.
Le département d’État a déclaré que le gouvernement tunisien était « intolérant à l’égard des critiques publiques et qu’il avait recours aux violences physiques, aux enquêtes criminelles, au système judiciaire, aux arrestations arbitraires, aux restrictions de résidence et au contrôle des déplacements (y compris le refus de délivrer des passeports) pour décourager les critiques des défenseurs des droits de l’homme et des militants de l’opposition ».
La révolte tunisienne et la chute de Ben Ali
Les restrictions, le harcèlement et les difficultés économiques ont fini par atteindre un point d’ébullition et, le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant tunisien de Sidi Bouzid, s’est immolé par le feu en signe de protestation et a succombé à ses blessures. La colère de l’opinion publique a éclaté et des manifestations spontanées se sont répandues dans tout le pays, atteignant finalement la capitale, Tunis.
Ben Ali tente de réprimer les protestations par la force brute, mais l’usage de la violence par la police tunisienne ne fait qu’attiser la colère des foules. Le 14 janvier, sa position est devenue intenable. Ben Ali déclare l’état d’urgence et dissout le gouvernement, promettant de nouvelles élections législatives dans les six mois. « J’ai compris, je vous ai compris, j’ai compris tout le monde », a déclaré l’homme fort à son peuple.
Cependant, les événements se sont rapidement aggravés, les forces armées et les principaux membres du gouvernement semblant perdre confiance dans le leadership de Ben Ali. Son pouvoir diminuant, le premier ministre Mohamed Ghannouchi a annoncé qu’il assurerait l’intérim à la tête de l’État pendant l’absence « temporaire » de Ben Ali. Au moment où Ben Ali a pris la fuite, quelque 338 Tunisiens avaient trouvé la mort dans les manifestations, et des milliers d’autres avaient été blessés.
Ben Ali et sa famille proche sont partis en toute hâte pour l’aéroport militaire d’El-Aouina. Les militaires autorisent l’avion de Ben Ali à décoller et, peu après, l’espace aérien tunisien est fermé. L’avion présidentiel se dirige alors vers Jeddah, en Arabie Saoudite. Le roi Abdallah d’Arabie saoudite a accepté Ben Ali et sa famille à condition qu’il s’abstienne de toute activité politique.
Des enregistrements secrets des derniers jours de Ben Ali en Tunisie et de son arrivée en Arabie Saoudite révèlent ses tentatives de retourner en Tunisie pour reprendre le pouvoir. La prise de conscience progressive – alors que les responsables de la sécurité lui disent qu’ils ne peuvent garantir sa sécurité face à la foule – qu’il est déchu du pouvoir envahit Ben Ali.
Le nouveau gouvernement tunisien formé après la fuite de Ben Ali a émis des mandats d’arrêt internationaux contre les Ben Ali pour détournement de fonds. En juin 2011, six mois seulement après sa fuite, Ben Ali et son épouse ont été jugés par contumace pour des irrégularités financières, ce qui leur a valu à tous deux une condamnation à 25 ans de prison. Ben Ali n’est jamais retourné en Tunisie et a vécu le reste de sa vie en exil à Djeddah, jusqu’à sa mort en septembre 2019.
Une occasion manquée : une anecdote symbolique
Le monde obscur des relations tuniso-israéliennes se résume peut-être le mieux dans une anecdote racontée par Beilin à propos de cette période.
Lors d’un des voyages de l’ancien ministre en Tunisie pour traiter avec des responsable, l’ancien maire de Safed et député de la Knesset Aharon Nahmias a exprimé son souhait à rejoindre la délégation, bien qu’il n’ait pas de rôle officiel, ce qui lui a été permis.
Lors de son séjour en Tunisie, avant un petit-déjeuner de travail avec le ministre des Affaires étrangères Habib Ben Yahia, Nahmias a demandé à y participer. Bien qu’il ait d’abord hésité à soulever la question, M. Beilin l’a demandée, l’a obtenue et M. Nahmias a participé au petit-déjeuner. Au cours de la réunion, Nahmias a demandé à être photographié avec le ministre des Affaires étrangères, qui a accepté, et le personnel de sécurité a été chargé de prendre la photo.
Aharon Nahmias
Cependant, après le petit-déjeuner, M. Nahmias a été confronté à une situation inattendue. Alors qu’il s’apprêtait à partir, le personnel de sécurité s’est approché de lui pour lui demander l’appareil contenant la pellicule de la photo.
« Il a prétendu qu’il était déjà emballé et en route pour l’avion, et ils savaient que ce n’était pas vrai », a raconté M. Beilin.
« Ils ont insisté, et ils ont insisté sur un ton qui ne pouvait pas être mal interprété. Nahmias a eu peur, il est allé dans ses bagages et a trouvé l’appareil photo. L’un des agents de sécurité a pris l’appareil, l’a ouvert, a pris le film, a vu une photo avec le ministre et l’a mis dans sa poche, laissant Nahmias sans sa photo ».
« Le ministre l’a autorisé à participer, l’a autorisé à prendre la photo, puis a envoyé ses hommes pour la récupérer », a déclaré M. Beilin en riant. « C’est un souvenir amer, c’était juste pour nous rappeler que la Tunisie était ce qu’elle était. C’était une sorte de souvenir des Tunisiens. N’oubliez pas qui nous sommes ! »
Article rédigé par Alex Winston (Jerusalem Post)
Cliquer ici pour lire l’original en anglais sur le site de Jerusalem Post
Traduction : service IA Business News
Titre et intertitres : Business News
Illustration : service IA Business News