Pour la première fois depuis des décennies, les Syriens peuvent parler de politique à voix haute. Jusque-là, pendant plus d’un demi-siècle, la férule répressive du régime Assad les condamnait à se taire. Tout juste pouvaient-ils chuchoter à l’oreille de quelques rares personnes auxquelles ils pensaient pouvoir faire confiance.
Depuis le 8 décembre, l’ambiance a considérablement changé dans les rues des villes. Les gens se lâchent pour faire la fête, respirent et discutent librement de l’avenir du pays, avec un beau pluralisme des opinions.
Un des hauts lieux de cette nouvelle vitalité est le café Al-Rawda, à Damas, qui a lui aussi repris vie. Certes, avant la révolution [le mouvement prodémocratie de 2011, réprimé dans le sang et qui a mué en guerre civile], il attirait déjà les élites culturelles du pays, avec des journalistes, des écrivains, des acteurs, des metteurs en scène et d’autres artistes.
Un catalyseur du “printemps de Damas”
Mais Al-Rawda restait néanmoins un simple café avec des tables où se retrouvaient les intellectuels pour boire du thé et du café. Et s’ils discutaient, c’était uniquement de sujets artistiques. Car tout cela se passait sous les yeux attentifs d’indics aux ordres des moukhabarat [les redoutables services de renseignements syriens].
Il a vu passer de grands noms de la littérature syrienne et arabe, dont Mamdouh Adwan [écrivain et traducteur syrien, 1941-2004], Saadi Youssef [poète irakien, 1934-2021] et Muzaffar Al-Nawab [poète irakien, 1934-2022].
De même, on pouvait y croiser des journalistes et des personnes engagées en politique, avec des personnalités aussi influentes que Michel Kilo [intellectuel opposant au régime Assad, 1940-2021], Fouad Balat [grande figure des médias syriens, 1940-2021] et Ahmad Barqawi [philosophe palestinien, de parents réfugiés en Syrie, né en 1950].
Il a ainsi joué un grand rôle dan