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bienvenue dans le monde des “GemÖk”

- Business
janvier 26, 2025

Deux couples d’amis, la petite trentaine, qui se retrouvent dans une colocation du quartier de Neukölln, à Berlin… Jusque-là, rien d’anormal. Comme toutes les six semaines, Laura et Madru ont rendez-vous chez Jana et Luka – ils ne donneront que leur prénom, pour ne pas être reconnus de leurs clients et patients respectifs.

“On s’est décidés, pour le voyage aux Galápagos”, annonce Jana. La nouvelle ne suscite ni félicitations, ni interrogations, Laura et Madru se contentent d’acquiescer. Il faut dire qu’ils en savent déjà beaucoup sur ce périple en Amérique latine, qui durera trois mois au total. Notamment sur son coût. Car ils vont contribuer à son financement – même s’ils ne seront pas du voyage.

Les quatre amis partagent toutes leurs ressources et leurs dépenses. À chaque début de mois, ils virent leurs salaires sur un compte commun, qu’ils ponctionnent en fonction des besoins, indépendamment du montant apporté par chacun. Laura, Madru, Jana et Luka n’ont rien inventé, il s’agit d’un concept né dans les milieux de gauche, baptisé “gemeinsame Ökonomie” [“économie commune”], ou “GemÖk”.

Ces collectifs peuvent rassembler de deux à plus d’une dizaine de membres, qui, souvent, ne vivent pas ensemble. Contrairement aux communautés classiques, ils ne partagent pas leur quotidien, seulement leur argent.

Les pionniers des années 1990

Difficile de savoir exactement combien de jeunes se tournent vers ce modèle, en quête de sécurité financière – il n’existe pas de réseau structuré qui les regroupe. Mais au fil des dernières années, une dizaine au moins de collectifs dans ce genre sont apparus en Allemagne, d’après l’un des membres de la toute première GemÖk, la “Coopé financière”, créée au sein d’une colocation étudiante à Göttingen, à la fin des années 1990. Aujourd’hui encore, ses sept membres continuent à partager leurs ressources. En 2019, ils ont même publié un livre pour présenter leur concept.

Ce mode de fonctionnement radical offre en théorie une certaine sécurité financière grâce au soutien de la communauté, et un rapport différent, plus solidaire, à l’argent. Une stabilité qui a de quoi faire rêver, à l’heure où les crises se succèdent, et où la perspective d’une retraite correcte semble tout aussi improbable que celle de devenir propriétaire.

C’est grâce à un podcast consacré à la Coopé financière de Göttingen que Jana et Luka ont eu l’idée de mutualiser leurs revenus avec Laura et Madru, il y a deux ans. “On était curieux, se souvient Laura. On se demandait quel effet ça faisait de partager comme ça, si ça fonctionnait vraiment.” Peu de temps après, les quatre amis se sont réunis dans le parc de Tempelhof [à Berlin]. Chacun avait apporté une liste de ses ressources et dépenses, et ils ont “tout additionné”. Tout simplement. Ils ont ensuite ouvert un compte commun et, après une phase de test de six mois, ils ont décidé de poursuivre l’aventure.

Veto et “tour d’émotions”

Dès le début, ils savaient que leurs revenus finiraient par diverger de plus en plus. Laura et Jana travaillent dans le social, Madru est ergothérapeute, et Luka médecin, bientôt psychiatre. Puisqu’il n’a pas encore fini de payer ses études, chacun contribue à peu près à parts égales pour le moment, mais dans quelque temps Luka devrait gagner largement plus que le