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En Colombie, un conseil des ministres diffusé en direct vire “à la séance de cirque”

- Business
février 07, 2025

“C’est un conseil des ministres qui fera date”, s’exclame le quotidien conservateur El Tiempo. Mardi 4 février, le président colombien Gustavo Petro a décidé de diffuser en direct une réunion du gouvernement à une heure de grande écoute, sur plusieurs chaînes de télévision publiques et privées et sur les réseaux sociaux de la présidence.

Cette diffusion “a eu plus d’impact que les programmes de divertissement des heures de grande écoute sur les chaînes privées, dépassant dans l’audimat une émission de téléréalité, une émission sportive et plusieurs feuilletons”, assure El Colombiano. Le journal évoque une diffusion “inhabituelle et illégale selon plusieurs juristes”.

L’institut d’analyse médiatique Kantar lui attribue 5,15 % de part d’audience, le cinquième meilleur résultat du jour.

Une première en Colombie, donc, mais aussi pour le reste du continent. Si d’autres pays, comme le Mexique, diffusent des allocutions présidentielles quotidiennes, très peu s’aventurent aussi profondément dans les entrailles du pouvoir. Le journal espagnol El País a publié sur Youtube les “moments mémorables” d’un conseil qui a duré près de six heures.

Prise de bec en direct

Le but de la réunion était de faire le point sur le manque d’efficacité des ministères, qui n’ont réussi à mettre en œuvre que 45 des 195 promesses de campagne de Gustavo Petro. Mais l’ordre du jour a été éclipsé par la présence du paria Armando Benedetti, accusé de corruption et de violences sexistes, en tant que chef du cabinet présidentiel. Un retour qui a provoqué une fronde des ministres.

Courroucé, Petro a dénoncé une “attaque cannibale” sur X. Mais le mal était fait : quatre hauts responsables ont depuis présenté leur démission, dont le ministre de la Culture.

L’expérience a été durement critiquée par les éditorialistes colombiens. Pour El Tiempo :

“Malheureusement, ce que le pays a vu s’apparente davantage à une émission de téléréalité qu’à une instance où se décident les affaires de l’État. […] Ce conseil a révélé des divisions entre les ministres, des jalousies et des désaccords clairement préjudiciables à l’avenir du gouvernement.”

“Face à l’incapacité évidente de mettre en œuvre ses promesses de changement, le président s’est contenté d’offrir à la nation une séance de cirque pour tenter de se décharger de toute responsabilité”, fustige le quotidien de gauche El Espectador.

Une polémique qui n’a cependant pas suffi à faire changer d’avis Petro, qui a déclaré qu’il continuerait à diffuser en direct les conseils des ministres, car “le peuple a le droit de savoir ce que fait son gouvernement […] directement et sans intermédiaire”.

Alors que sa popularité est au plus bas, certains commentateurs l’accusent de vouloir ainsi lancer sa campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2026.