Si l’année 2022 a vu la Suède enregistrer un sombre record de morts dans des fusillades entre bandes criminelles adverses (62), elle a également été marquée par un autre triste record, passé inaperçu dans les médias jusqu’à ce que le quotidien Dagens Nyheter ne s’en empare dans son édition du 2 mars : 99 personnes sont mortes à cause du froid. Ou, pour reprendre la terminologie de la Direction nationale des affaires sociales, sont mortes “suite à une exposition à un froid naturel extrême”.
Les bilans pour les années 2021 et 2023 sont aussi significativement plus élevés que la moyenne établie depuis que la direction en question, une agence publique, compile les données dans le domaine (1997), ajoute le journal sans donner de chiffres. En dix ans, note-t-il, le nombre de ces morts a “plus que doublé”. Et d’après les dernières statistiques vérifiées disponibles, 60 personnes ont péri à cause du froid au premier semestre de l’an dernier, contre 54 pour la même période de 2023.
Alcool, drogues et confusion
La tendance est donc bien là, alors qu’en dix ans, la population suédoise a certes augmenté, mais dans des proportions nettement moindres, passant de 9,7 millions en 2014 à 10,6 millions en 2024. Dans le même temps, les méthodes de calcul n’ont pas particulièrement changé, observe Jonas Bergdahl, un médecin légiste d’Umea (nord) ayant réalisé une étude sur la hausse du nombre de morts par hypothermie. Quant aux hivers suédois, ils sont devenus “plus courts et plus cléments”, racontait Dagens Nyheter dans un autre article publié à la fin de 2024.
Il n’y a pas non plus de surreprésentation de migrants ou de sans-papiers parmi les victimes concernées, précisent les médecins légistes interrogés par le journal. L’explication est donc à chercher ailleurs : dans “l’effet de l’alcool et de drogues, ainsi que la confusion” touchant des personnes atteintes de “démence”, en particulier chez les seniors en situation de pauvreté (et pas uniquement des sans-abri).
Parmi ces victimes, on trouve des personnes seules qui se perdent lors de sorties, ou bien “s’échappent d’institutions psychiatriques”, raconte au quotidien suédois le médecin Carl Winskog. Ce dernier a travaillé en Australie, où il a constaté que la mortalité due à l’hypothermie y serait plus élevée qu’en Suède, en raison d’un lien entre cette mortalité, exclusion sociale et troubles mentaux.