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après Goma, Bukavu tombe dans l’escarcelle des rebelles du M23

- Monde
février 14, 2025

Après avoir fait tomber Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, le 27 janvier, les rebelles du M23 sont entrés dans Bukavu, vendredi 14 février. A la différence de leur conquête précédente, les insurgés congolais, appuyés par l’armée du Rwanda, ont cette fois pénétré sans combattre dans la capitale du Sud-Kivu, une agglomération de près d’un million d’habitants. Selon divers témoignages recueillis par « Le Monde Afrique » , les soldats des forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) avaient pour l’essentiel déserté la ville la veille, pour prendre la direction d’Uvira, plus au sud. Le responsable de la police, comme le gouverneur du Sud-Kivu, qui appelait pourtant les habitants des lieux au calme quatre jours plus tôt, ont également quitté Bukavu. Tout comme bon nombre de personnalités officielles, parties se réfugier à Bujumbura, la capitale économique du Burundi, ainsi que les troupes envoyées par ce pays pour venir prêter main-forte aux soldats congolais.

« On a observé des mouvements de troupes depuis hier [jeudi]. Il n’y a désormais plus de soldats congolais ici. Tout le monde est chez soi. Les esprits sont divisés entre ceux qui ont peur et ceux qui attendent. Jusque-là, la ville est calme, même si l’on a signalé quelques tirs vers la place de l’Indépendance », relatait vendredi après-midi une source humanitaire jointe sur place. Ces tirs d’armes automatiques étaient en fait très vraisemblablement ceux des éléments précurseurs du M23. Leur entrée dans Bukavu ne faisait plus guère de doutes depuis la chute, quelques heures plus tôt, de Kavumu, à une trentaine de kilomètres plus au nord, site stratégique de l’armée congolaise où se trouve l’aéroport de la province. « L’aéroport, à Kavumu, était considéré comme un verrou. Mais il n’y a eu aucun combat. Où sont partis les FARDC, les hommes de Pacifique Masunzu, qui commande la troisième zone de défense, les wazalendo [des miliciens], les soldats burundais ? Après, la route file jusqu’à Bukavu, il n’y a pas d’obstacle », indique un notable de la région, sous le couvert de l’anonymat.

Le 7 février, l’archevêque de Bukavu, Monseigneur François-Xavier Maroy Rusengo, avait lancé un appel au gouverneur du Sud-Kivu pour que la ville ne soit pas transformée en « champ de bataille » et ne connaisse pas le même « carnage » que Goma. Deux jours plus tôt, la cheffe adjointe de la mission des Nations unies en RDC, Vivian van de Perre, avait relaté que quelque « 2 000 corps [avaient] été récupérés dans les rues de Goma ces derniers jours et 900 corps [étaient] à la morgue ». Des sources humanitaires jugeaient ces chiffres sous-évalués.

Des accusations de l’actuel chef d’Etat contre Joseph Kabila

Incapable d’inverser la tendance militaire et alors que ses ennemis ignorent les appels au respect du cessez-le-feu réitérés vendredi par l’Union africaine, le président de la RDC, Félix Tshisekedi, était vendredi en Allemagne pour assister à la Conférence de Munich sur la sécurité. Une occasion pour lui de relancer un appel à « mettre à l’index le véritable responsable de cette situation : le Rwanda » et pour dénoncer le manque de réactions internationales aux agissements de son voisin. « Si aujourd’hui mon pays a été attaqué de manière ostentatoire et que ça n’est pratiquement pas ému le monde, ça veut dire que le droit international est totalement remis en cause ici. Comment se fait-il que l’intégrité d’un pays puisse être violée, ses habitants massacrés sans qu’il y ait des sanctions contre le pays agresseur ?  », a feint d’interroger le chef de l’Etat congolais, qui accuse désormais Joseph Kabila, son prédécesseur, d’être « le vrai commanditaire de cette opposition ».

La veille, le président rwandais, Paul Kagame, avait rencontré les évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo et de l’Eglise du Christ au Congo, venus expressément de Kinshasa à Kigali pour tenter de contribuer à un règlement de la crise qui prévaut dans l’est de la RDC. Dans un entretien au site panafricain Jeune Afrique, le chef de l’Etat rwandais, qui reconnaît une « sympathie pour le M23 » et être « impliqué dans cette situation du fait de voisins déraisonnables », a accusé son homologue congolais de ne chercher qu’une solution « militaire, alors que d’autres tentent de trouver une solution pacifique ».

Cette éclaircie a fort peu de chances d’apparaître lors du sommet de l’Union africaine qui se tient les samedi 15 et dimanche 16 février à Addis-Abeba. Si Paul Kagame est attendu, Félix Tshisekedi a fait savoir qu’il ne se rendra pas en Ethiopie, préférant revenir à Kinshasa pour tenter de reprendre la main sur une crise qui menace l’intégrité de son pays et la stabilité de son pouvoir.

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