Le système international est aujourd’hui marqué par une instabilité telle qu’il est difficile de discerner la direction exacte vers laquelle pointent les bouleversements qui l’affectent. Pourtant, d’ores et déjà, deux scénarios l’emportent sur les autres.
Le premier privilégie l’hypothèse d’une coalition provisoire entre les Etats-Unis et la Russie. Cette « duplice » permettrait aux premiers de régler la question européenne de telle sorte qu’il leur serait possible de concentrer alors le tir sur la puissance qu’ils considèrent être la plus menaçante, la Chine. Laquelle, du coup, n’aurait « rien perdu pour attendre » : les concessions faites par les Etats-Unis à la Russie auraient pour effet de détacher Moscou de sa dépendance présente envers Pékin, et permettraient à Washington de mieux viser son principal adversaire.
Le deuxième scénario est celui d’une « triplice », une alliance entre les trois grandes puissances, laquelle durerait le temps nécessaire pour la satisfaction des objectifs primordiaux de chacun des partenaires : à toi le Groenland et le Panama, voire le Canada ; à moi l’Ukraine, les pays Baltes, le contrôle de la Hongrie et quelques autres ; à eux Taïwan et la mer de Chine… On appelle désormais cela, à Washington, le « réalisme diplomatique », ou même le « réalisme dur ». La rencontre des « trois empereurs » à Moscou, dont Trump a évoqué l’hypothèse pour le 9 mai, officialiserait la naissance d’une nouvelle « triple-alliance ».
Bien entendu, le deuxième scénario est à tel point risqué pour chacun des acteurs qu’on hésite à en croire la crédibilité. Mais plusieurs facteurs nous obligent à le considérer très sérieusement.
Obsession irrédentiste
Les trois puissances font preuve d’un étonnant consensus idéologique. Ce n’est pas seulement l’équipe Trump qui promeut le masculinisme et plaide pour une contre-révolution morale : ses homologues russes et chinois également. Le dédain exprimé envers le modèle démocratique est également partagé, comme est partagé le modèle d’une politique « scientifique » confiée à une méritocratie sélectionnée par les affaires, les relations, le dur processus sélectif mis au point par l’Etat-parti ou simplement par un mélange de cynisme et d’audace. Enfin, chacune met l’accent sur la menace que l’autre (tout autre) représente pour l’ordre politique.
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