L’avocate Dalila Ben Mbarek Msaddak a publié, mercredi 5 mars 2025, des documents faisant état des accusations retenues contre le détenu politique Jaouhar Ben Mbarek. Ces documents révèlent ce que le juge d’instruction chargé des affaires de terrorisme considère comme les motifs de sa détention depuis deux ans et sur la base desquels l’opposant politique risque la peine de mort.
Dalila Ben Mbarek précise qu’il n’y a « ni complot, ni plan de coup d’État, ni autre élément incriminant ». Jaouhar Ben Mbarek aurait simplement rencontré une employée de l’ambassade, « à sa demande à elle et non à la sienne ».
Elle souligne également plusieurs fausses accusations majeures. La première est qu’il lui est reproché d’avoir refusé de donner le mot de passe de son téléphone. Cependant, le procès-verbal de la brigade de lutte contre le terrorisme, qui a procédé à la fouille de ses appareils, prouve que cette accusation est mensongère.
La deuxième est qu’il lui est reproché d’avoir effectué des transferts d’argent suspects et fréquents. Dalila Ben Mbarek affirme que cette accusation est absurde, car le rapport de la Commission des analyses financières montre qu’il ne possède qu’un seul compte bancaire actif et que toutes les transactions proviennent du ministère de l’Enseignement supérieur. « Au moment de l’enquête, il disposait de sept mille dinars, principalement issus de son salaire de professeur », a-t-elle relevé.
L’avocate dénonce également « une autre fausse déclaration du juge d’instruction », qui affirme que Jaouhar Ben Mbarek aurait d’abord nié avoir rencontré une étrangère avant de le reconnaître après confrontation avec l’expertise technique. Or, lors de l’enquête à Bouchoucha, l’enquêteur lui avait demandé s’il avait rencontré des officiers américains, ce à quoi il avait catégoriquement répondu « non ». Le juge lui a ensuite posé une autre question : « Avez-vous rencontré une certaine Heather Kalmbach ? », Jaouhar Ben Mbarek a répondu que cette dernière avait souhaité le rencontrer dans le cadre du groupe « Citoyens contre le coup d’État ». Ils se sont rencontrés, accompagnés de deux Tunisiennes, l’une travaillant avec elle et l’autre étant traductrice. Par ailleurs, la concernée n’a rien d’un officier : elle est responsable des relations politiques à l’ambassade des États-Unis.
« Ainsi, il n’y a ni dénégation, ni aveu, mais simplement un récit des faits qui, en vertu du droit tunisien, ne constitue en rien une infraction. Il a détaillé les événements, car rien dans son témoignage ne constitue un crime selon la loi », souligne l’avocate.
La première audience de l’affaire de complot contre la sûreté de l’État s’est tenue hier au Tribunal de première instance de Tunis.
Les plaidoiries des avocats ont porté essentiellement sur la nécessité de la comparution physique des détenus, alors que leur procès se déroule à distance, une décision fortement contestée par la défense.
Les avocats ont déposé des demandes de libération, toutes ont été rejetées dans la même journée. L’audience a été renvoyée au 11 avril prochain.
L’affaire de complot contre l’État implique plusieurs figures politiques tunisiennes. Parmi les accusés, incarcérés suite à des mandats de dépôt émis le 25 février 2023, figurent Khayam Turki, Ridha Belhadj, Ghazi Chaouachi, Jaouhar Ben Mbarek, Issam Chebbi, Abdelhamid Jelassi et Kamel Letaïef. Lazhar Akremi et Chayma Issa, également arrêtés dans le cadre de cette affaire, ont été libérés le 13 juillet 2023.
Bien que la période de détention provisoire ait dû prendre fin entre le 18 et le 19 avril 2024, aucune décision de libération n’a été prise. Plusieurs détenus ont mené des grèves de la faim pour protester contre leur incarcération, mais en vain. À ce jour, après plus de 700 jours de détention, ils demeurent emprisonnés.
M.B.Z