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Faut-il craindre un retour de la pénurie .

- Tunisie
janvier 25, 2025

 

Mercredi 22 janvier 2025, le marché monétaire a connu une brusque intervention de la Banque centrale de Tunisie (BCT) en augmentant son volume d’Appels d’offre de 800 MD, de 4,5 milliards de dinars à 5,3 milliards, soit 800 MD de plus. Et ce n’est pas tout puisque l’autorité monétaire a lâché encore plus de lest à travers l’augmentation le même jour de l’encours des Facilités permanentes de prêt à 24 heures qui passe de 1,2 milliard de dinars à 1,5 milliard, soit 300 MD supplémentaires. Une double décision qui stoppe net la trajectoire baissière des interventions de la BCT au sein du marché monétaire du pays. En effet, depuis quelques temps on a constaté une baisse progressive du volume global de refinancement de l’institut d’émission au sein du marché monétaire. Ce choix s’illustre particulièrement à travers l’encours d’achat ferme de créances d’Etat par la BCT, communément appelé opération d’Open market. L’institut d’émission ne renouvelle plus les achats fermes de créances dans la foulée de recouvrement de créances échues. Autrement dit, l’autorité monétaire n’achète plus de Bons du Trésor auprès des banques. En revanche, elle accordera plus de facilités aux autres moyens de refinancement par des garanties de contreparties plus liquides, actifs privés comme publics.

 

L’institut d’émission adapte ses choix de politique monétaire en tenant compte du contexte et des perspectives économiques et financières du pays.

Le contexte d’abord. Il se caractérise déjà par un besoin impérieux de financement de l’État. L’État a dû honorer d’importants engagements de dettes : 500 MD de remboursement de Bons du Trésor à court terme et près de 900 MD de dette extérieure venue à échéance. Il doit également ces jours-ci servir les salaires dans l’administration et la fonction publiques, ce qui représente environ 2 milliards de dinars. L’institut d’émission est venu à la rescousse en cette fin de mois grâce à ses interventions sur le marché monétaire. Cette situation risque d’ailleurs de se reproduire au cours de l’année et éventuellement de s’amplifier si le gouvernement ne trouve pas d’autres moyens de financement du budget, particulièrement au niveau du service de la dette. L’année dernière, l’État escomptait un appui budgétaire extérieur de 14,5 milliards de dinars comptant sur le soutien de l’Algérie (965 MD environ), de l’Arabie Saoudite (1,6 milliard de dinars) et de la coopération bilatérale en général (10,3 milliards de dinars). Il n’en a récolté qu’un peu plus de 1,5 milliard. Ce dernier montant ne serait que d’environ 320 MD si l’on ne tient pas compte du crédit de l’Afrexim Bank. Les pays frères et amis lui ont fait faux bond. Qu’en sera-t-il pour 2025 ?

Il semble que la BCT ne se départira pas de sa décision de réduire son intervention dans le cadre de la politique d’Open market. D’ailleurs, ce même mercredi 22 janvier 2025, l’autorité monétaire a engrangé près de 560 MD de créances d’État venues à échéance. Ce soutien indirect au besoin de financement de l’État est devenu caduc dès lors que, cette année encore, l’institut d’émission a injonction d’accorder un crédit direct à l’État de 7 milliards de dinars. La banque des banques ne pourrait satisfaire une telle exigence qu’en réduisant ses créances d’État acquises auprès du marché monétaire. Et cela dans le seul but de dégager une marge financière suffisante afin de ne pas fragiliser ses équilibres financiers et, le cas échéant, dégrader son risque de crédit auprès des institutions internationales de financement, des agences de notation et des marchés financiers internationaux. Ce qui serait un comble.

En tout état de cause, l’État est désormais face à ses responsabilités. Les finances publiques devraient connaître durant l’année 2025 d’épouvantables tensions. Les hypothèses sur lesquelles est bâti le budget de l’État vont être sérieusement malmenées. L’objectif de croissance de 3,2% est devenu illusoire. Au niveau international, on estime cette croissance autour de 2%, pas plus. Encore que celle-ci n’ait tenu pas compte de l’impact certain que provoquera sur l’activité économique en général et commerciale en particulier  la nouvelle législation régissant l’émission de chèques. Impact sur la croissance et partant sur les ressources budgétaires de l’État. Une situation qui ne pourrait que contraindre le gouvernement à réduire ses dépenses car du côté des ressources, les objectifs budgétaires sont déjà ambitieux à l’instar des objectifs d’emprunt extérieur fixés à plus de 6 milliards de dinars alors que le gouvernement n’a pu mobiliser des emprunts extérieurs qu’à hauteur de 5 milliards de dinars dont seulement 1,5 milliards d’appui budgétaire l’année dernière contre des prévisions respectives de 16,4 milliards et 14,5 milliards.

Réduire les dépenses ne ferait-il pas basculer une fois de plus le pays dans la pénurie ?