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Les anciens chèques ne sont plus acceptés, les nouveaux ne sont pas encore délivrés, c’est le chaos !

- Tunisie
janvier 28, 2025

Les anciens chèques ne sont plus acceptés, les nouveaux ne sont pas encore délivrés, c’est le chaos !

 

Les anciens chèques ne sont plus acceptés, les nouveaux ne sont pas encore délivrés. Récit d’une période de confusion sans précédent qui plonge les Tunisiens dans une impasse.

 

Date : 21 janvier 2025. Lieu : recette des Finances à Tunis. Victime : l’avocat Mohamed Maamer. Ce contribuable, comme tant d’autres, s’est heurté à l’absurdité d’une nouvelle loi mal préparée. En tentant de régler des frais d’enregistrement de contrat à hauteur de 6.000 dinars par chèque certifié, Mohamed Maamer s’est vu opposer un refus catégorique. Le receveur des finances a justifié cette décision par des instructions formelles : plus d’acceptation des anciens chèques, alors même que les nouveaux n’ont pas encore été délivrés.

L’avocat a tenté d’argumenter : « La loi n’entre en vigueur qu’à partir du 1er février 2025 ». Mais rien n’y fit. L’administration est restée inflexible. Plus ubuesque encore, la même recette des Finances interdit les paiements en espèces au-delà de 3.000 dinars, laissant les citoyens dans une impasse totale.

Date : 27 janvier 2025. Lieu : grande surface à Tunis. Victime : tous les clients désirant payer par chèque. Devant la grande porte d’entrée, une large pancarte affiche ce qui suit : « Avis important. Chers clients, conformément à la loi n°2024-41 du 2 août 2024, relative aux chèques, nous vous informons qu’à partir du 27 janvier 2025, les anciennes formules de chèques ne seront plus acceptées. Merci pour votre compréhension ». 

Face à cette mesure brutale, de nombreux consommateurs, habitués à payer par chèque, se retrouvent désemparés. Un septuagénaire confie, la voix tremblante : « Je n’ai pas de carte de paiement, je n’en ai jamais eu, elle coûte cher et je ne vois pas vraiment son utilité. J’ai toujours payé avec les chèques, je n’aime pas les espèces. Comment je dois faire maintenant ? ».

 

Une confusion généralisée

Ces incidents ne sont pas isolés. Partout en Tunisie, des citoyens racontent des scènes similaires de confusion et d’impréparation. Dans une période marquée par une crise économique étouffante, ce genre de situations ne fait qu’accentuer la colère et le désarroi d’une population déjà éreintée par des années de difficultés.

Ces changements brusques affectent toutes les couches sociales, des petits commerçants aux professions libérales. La situation illustre une déconnexion totale entre les décideurs et les réalités du terrain. Les citoyens sont laissés à eux-mêmes, sans aucune communication claire des autorités.

 

Un chaos économique sans précédent

Jamais une loi n’avait engendré un tel chaos en Tunisie. D’ordinaire, toute transition législative est accompagnée de mesures d’adaptation et de campagnes d’information. Mais sous le régime de Kaïs Saïed, aucune période de préparation n’a été prévue. L’application brutale de la loi sur les chèques a plongé l’économie dans le désordre. Le plus troublant reste le refus des administrations publiques et des grandes surfaces d’accepter des moyens de paiement encore légaux.

La situation frise l’absurde : comment refuser un chèque certifié alors que les nouvelles formules ne sont pas encore en circulation ?

Pour de nombreux observateurs, ce cafouillage est le résultat direct d’une gouvernance improvisée, marquée par une absence de stratégie claire. « C’est une conséquence logique d’un pouvoir qui privilégie l’autorité au détriment de la compétence », déclare un expert en économie sous couvert d’anonymat.

 

Des voix qui s’élèvent

Malgré un contexte tendu, certaines figures publiques osent critiquer la situation. Le 14 janvier 2025, la députée Syrine Mrabet, pourtant proche du régime, a publié un message alarmant : « Le pays s’est arrêté ». De leur côté, des députés ont tenté de reporter l’application de la loi au 1er janvier 2026. Mais leur initiative a été ignorée. Certains, sous pression, ont même retiré leur signature.

Dans le même temps, les réseaux sociaux bruissent de témoignages poignants. Certains racontent comment ils ont été contraints d’annuler des achats importants ou des opérations immobilières en raison du refus des chèques. Les petites entreprises, déjà asphyxiées par les difficultés économiques, voient leurs activités encore davantage paralysées.

 

Le silence des autorités

Face à la panique généralisée, les autorités gardent un mutisme étonnant. Ni le ministère des Finances, ni celui de la Justice, ni même la Banque centrale n’ont jugé utile de rassurer ou d’expliquer les bienfaits hypothétiques de la loi.

Au lieu de quoi, les porte-voix du régime sont montés au créneau. Youssef Tarchoun, président du bloc parlementaire La ligne nationale souveraine, déclare : « Le législateur ne réagit pas par hasard. Cette loi entrera en vigueur comme prévu le 2 février 2025 ». Des mots qui résonnent comme une provocation pour les Tunisiens en détresse.

 

Une loi mal préparée

 

D’après l’enseignant universitaire en droit bancaire, Mohamed Nekhili, il y aurait une totale absence de coordination entre le ministère des Finances et le ministère de la Justice concernant la loi sur les chèques. Selon lui, certains hauts responsables du ministère des Finances auraient émis des réserves sur cette loi, et que le secteur bancaire a été exclu de son élaboration.

La conséquence de cela est que les autorités compétentes ne savent plus comment réagir pour rassurer les citoyens. En effet, comment expliquer une chose dont on n’est pas soi-même convaincu ?

 

La résignation des citoyens

Sur les réseaux sociaux, le chaos est moins visible qu’on pourrait l’imaginer. Les Tunisiens, à bout de souffle, se limitent à partager leurs déboires, évitant toute critique ouverte du régime. Un influenceur s’insurge : « Comment critiquer un pouvoir qui vous envoie en prison pour un simple post sur Facebook ou une vidéo sur TikTok ? »

Dans ce climat de peur, les médias publics brillent par leur silence. Seuls quelques médias privés, osent rapporter les difficultés rencontrées par les citoyens et donner la voix aux critiques et aux experts alarmistes.

 

Une crise symptomatique

Ce chaos révèle une fois de plus l’impréparation des autorités face aux réformes structurelles. Alors que la Tunisie traverse une crise économique et sociale sans précédent, cette période de transition mal gérée renforce le sentiment d’abandon chez les citoyens.

Pour beaucoup, cette loi sur les chèques est le symbole d’un système déconnecté de la réalité et indifférent aux souffrances des Tunisiens.

La situation actuelle, où l’économie semble au bord de l’asphyxie, appelle à une réflexion urgente. Si rien n’est fait, cette crise pourrait bien marquer une nouvelle étape dans la désillusion collective.

 

Raouf Ben Hédi