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l’imam ouvertement gay Muhsin Hendricks tué en plein jour

- Tunisie
février 18, 2025

Muhsin Hendricks, premier imam ouvertement gay au monde, abattu en plein jour samedi en Afrique du Sud, prêchait une vie « authentique », loin de toute hypocrisie imposée par le regard des autres.

« Voici qui je suis. Et si cela veut dire que je risque d’être tué, c’est ainsi que je choisis de rencontrer Dieu », avait-il confié à l’AFP.

La police enquête sur cette attaque ciblée menée dans la ville portuaire de Gqeberha (ex-Port Elizabeth) mais s’abstient, à ce stade, de la qualifier de crime haineux. Le meurtre n’a pas été revendiqué.

 

Une vidéo circulant sur les réseaux sociaux et authentifiée par les autorités montre une voiture bloquer en plein jour celle de l’imam de 58 ans.

Un mystérieux assaillant en sweat noir à capuche s’approche et tire plusieurs fois contre le siège arrière avant de s’enfuir, son complice au volant.

L’assassinat a choqué l’Afrique du Sud et fait trembler la communauté LGBTQ. Dans ce pays qui compte les lois les plus progressistes du continent en matière de droits des homosexuels, agressions et discriminations ne sont pourtant pas rares.

L’imam Muhsin avait lancé un pavé dans la mare il y a près de trente ans en faisant son « coming out » près du Cap, qui compte la plus importante communauté musulmane d’Afrique du Sud (plus de 5% contre moins de 2% dans le pays, selon le dernier recensement).

Décrit comme affable et bienveillant, il avait aussi fondé une organisation pour aider les fidèles qui, comme lui, cherchent à conjuguer foi et orientation sexuelle.

Petit-fils d’imam, il a été élevé par une famille conservatrice à la discipline sévère. Parti étudier au Pakistan, il se marie à son retour au Cap. Mais il vit alors avec un secret bien lourd.

« J’ai divorcé à l’âge de 29 ans, après six ans de mariage », confiait-il à l’AFP lors d’un entretien en 2016. « C’est à ce moment-là que je me suis dit : plus de double vie. Je dois être honnête avec moi-même. »

 

« Un Dieu d’amour radical »


Hendricks, un homme costaud à la chevelure noire et aux tempes grisonnantes, avait ensuite lancé un lieu de prière, aussitôt baptisé la « mosquée ouverte », offrant un refuge ainsi que des formations.

Sa théologie était celle d’un « Dieu d’amour radical et de justice pour tous », affirme le Centre pour un islam contemporain au Cap, notant que sa porte était ouverte « au-delà de la communauté queer, aux réfugiés, aux sans-abri, aux marginalisés ».

En Afrique du Sud, seul pays africain à avoir légalisé le mariage gay en 2006, beaucoup restent discrets sur leur orientation sexuelle pour se protéger.

 

L’imam Muhsin représentait une « lueur d’espoir », affirme à l’AFP Toni Kruger-Ayebazibwe, pasteure de 56 ans à la tête du Global Interfaith Network, ONG de croyants LGBTQ cofondée par l’imam en 2012.

« Il incarnait pour beaucoup de gens la possibilité réelle d’être à la fois une personne queer et un croyant, en particulier un musulman », relève-t-elle.

Dans l’un de ses derniers messages sur les réseaux sociaux, où il prêchait la tolérance, on voit Hendricks murmurer les paroles d’une chanson d’amour en hindi.

« Il s’employait à autonomiser et éduquer les gens… en remettant en question le dogme de façon aimante et compatissante », affirme Jacqui Benson-Mabombo, 48 ans, proche de l’imam et cofondatrice du Queer Faith Collective.

Mais ce père de trois enfants se savait une cible. Il avait fait part de ses inquiétudes sur sa sécurité, décrivant régulièrement les menaces qu’il recevait en ligne et dans le quotidien.

 

En 2022, il avait dénoncé une fatwa condamnant l’homosexualité émise par un groupe musulman sud-africain après la sortie d’un documentaire présentant son travail.

« Avec la communauté musulmane, c’est une relation à l’amour, à la haine », expliquait l’imam. « Parfois, ils aimeraient me jeter du haut d’une montagne. D’autres fois, ils apprécient qu’il y ait un imam prêt à travailler avec des personnes qu’ils ne veulent pas accueillir. »

Son assassinat a été un « choc », souligne le révérend Kruger-Ayebazibwe : « Beaucoup d’entre nous se sentent soudainement beaucoup plus vulnérables. »

 

© Agence France-Presse