Par Sadok Rouai
Pour rappel, l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) a approuvé, le 27 décembre 2024, un accord de prêt de 500 millions de dollars au profit de l’État, signé entre la Banque centrale de Tunisie (BCT) et Afreximbank. Dans un article précédent[1], nous avons détaillé les conditions de ce prêt, en mettant en avant une clause spécifique qui modifie significativement l’évaluation de son coût effectif.
Cette clause impose à la BCT de déposer 350 millions de dollars auprès d’Afreximbank pour une durée de cinq ans, avec un taux d’intérêt de seulement 1,65 %. Autrement dit, sur les 500 millions de dollars empruntés, 70 % du montant sont immobilisés sous forme de dépôt de garantie, réduisant ainsi l’accès effectif de la Tunisie à seulement 150 millions de dollars. Un précédent accord avait déjà été conclu le 13 avril 2022, portant sur un prêt de 700 millions de dollars sur sept ans, assorti d’un taux d’intérêt de 5,76 % et d’un dépôt de garantie de 400 millions de dollars.
Controverse autour du prêt de 500 millions de dollars
Intervenant sur les ondes de la Radio nationale[2], le jeudi 6 février 2025, la députée Amel Meddeb a souligné le manque de clarté du document explicatif relatif à ce prêt. Elle a également dénoncé les pressions exercées par le pouvoir exécutif sur les députés pour qu’ils adoptent le projet sans consultation approfondie, sous prétexte que son rejet entraînerait un blocage du budget de l’État.
Par ailleurs, elle a indiqué avoir déposé, le 3 février 2025, une question écrite adressée à la ministre des Finances concernant les conditions du prêt, en particulier les dépôts de garantie de 350 et 400 millions de dollars. Elle a insisté sur le fait que l’exposé des motifs n’était pas clair et manquait de précisions sur les conditions du prêt, les modalités d’utilisation des fonds, ainsi que le coût réel du financement et les risques qui y sont associés.
Sur ce dernier point, il convient de préciser que des pressions avaient effectivement été exercées sur les députés pour approuver le prêt avant le 31 décembre 2024, alors que le contrat avait été signé le 24 novembre 2024. La réponse des représentants du ministère s’est révélée vague et peu convaincante. Ils ont évoqué une série d’engagements portant sur le paiement des salaires de décembre 2024, le règlement des subventions et des transferts à la CNPRPS, ainsi que le remboursement de la dette publique.
Les conditions du prêt étaient claires
En revanche, l’affirmation de la députée selon laquelle l’exposé des motifs manquait de précisions sur les conditions du prêt n’est pas fondée. En effet, toutes les conditions du prêt sont détaillées dans l’exposé des motifs, dont une copie figure ci-après, ainsi que dans le rapport de la commission des finances et du budget, y compris le dépôt de garantie de 350 millions de dollars auprès d’Afreximbank. En fait, tous les documents sont disponibles sur le site de l’ARP[3].
Il est probable que les députés n’aient pas eu le temps ni l’expertise nécessaires pour examiner en détail les documents soumis. Cette situation soulève la question de la responsabilité des représentants du ministère des Finances et de la BCT. Non seulement ces derniers n’ont pas signalé l’obligation inédite liée au dépôt, mais ils ont affirmé que ce prêt relevait des prêts préférentiels et non conditionnés, supposés être destinés à l’investissement et à l’épargne, tout en contribuant au renforcement des réserves en devises. Ils ont ajouté que le taux d’intérêt du prêt était plus avantageux que celui de 2022, un argument qui, selon eux, a incité les autorités à augmenter le montant de l’emprunt de 400 à 500 millions de dollars.
Cette expérience souligne la nécessité et l’urgence de doter l’ARP de conseillers permanents afin d’aider les députés à analyser de manière approfondie les documents financiers complexes, tels que les contrats de prêt. Il est également essentiel que les députés disposent de temps suffisant, d’une coopération effective et d’informations complètes de la part de l’administration pour exercer pleinement leur rôle de contrôle et de décision.