Le procès du complot contre l’État s’ouvre aujourd’hui, mardi 4 mars 2025, marquant ainsi la fin de l’interdiction imposée aux médias de traiter l’affaire.
Quelle est cette affaire ? Qui en sont les protagonistes ? De quoi sont-ils accusés ? Quelles sont les preuves retenues contre eux ? Business News vous révèle l’essentiel du rapport de fin d’instruction établi en avril 2024, que nous n’avons pas pu dévoiler jusqu’ici en raison de la censure imposée. Le lecteur pourra constater par lui-même la légèreté des faits reprochés à une cinquantaine de personnalités politiques et médiatiques, l’absurdité de certaines accusations et l’absence totale de preuves matérielles à charge. En somme, cette affaire a été montée de toutes pièces avec pour seul objectif d’éliminer d’éventuels adversaires politiques dont le seul tort est de s’être opposés à Kaïs Saïed.
L’affaire du complot contre l’État a débuté en février 2023 avec l’arrestation de plusieurs dizaines de personnalités politiques et médiatiques connues pour leur opposition à Kaïs Saïed et à son putsch du 25 juillet 2021. Ces personnalités, issues de divers horizons politiques, comptent également plusieurs figures totalement indépendantes, dont la seule préoccupation est de voir la Tunisie rester un État de droit et une démocratie.
Liste des prévenus
Les prévenus à l’ouverture de l’instruction en février 2023 sont les suivants :
1/ Khayam Turki, lobbyiste et président d’une association politique (en état d’arrestation) ;
2/ Kamel Letaïef, lobbyiste et chef d’entreprise (en état d’arrestation) ;
3/ Noureddine Bhiri, politicien et avocat ;
4/ Issam Chebbi, politicien et huissier de justice (en état d’arrestation) ;
5/ Jawhar Ben Mbarek, activiste politique et constitutionnaliste (en état d’arrestation) ;
6/ Ghazi Chaouachi, politicien et avocat (en état d’arrestation) ;
7/ Ridha Belhadj, politicien et avocat (en état d’arrestation) ;
8/ Abdelhamid Jlassi, politicien et ingénieur (en état d’arrestation) ;
9/ Hattab Slama, directeur commercial (en état d’arrestation) ;
10/ Ahmed Néjib Chebbi, politicien et avocat ;
11/ Chayma Issa, activiste politique et journaliste (détenue provisoirement puis relâchée) ;
12/ Lazhar Akremi, politicien et avocat (détenu provisoirement puis relâché) ;
13/ Chokri Bahria, directeur commercial ;
14/ Ayachi Hammami, activiste politique et avocat ;
15/ Mohamed Hamdi, politicien et enseignant ;
16/ Riadh Chaïbi, politicien et enseignant ;
17/ Noureddine Boutar, journaliste et directeur-fondateur de Mosaïque FM (détenu provisoirement puis relâché) ;
18/ Ridha Charfeddine, politicien, chef d’entreprise et actionnaire de la chaine TV Attessia ;
19/ Sahbi Atig, politicien et retraité ;
20/ Saïd Ferjani, politicien et chef d’entreprise ;
21/ Kamel Bedri, retraité ;
22/ Mohamed Bedoui, commerçant ;
23/ Ali Hlioui, activiste politique et chef d’entreprise (considéré comme fugitif) ;
24/ Hamza Meddeb, chef d’entreprise (considéré comme fugitif) ;
25/ Mongi Dhaouadi, (considéré comme fugitif) ;
26/ Kamel Guizani, ancien ambassadeur et ancien haut cadre du ministère de l’Intérieur (considéré comme fugitif) ;
27/ Ridha Driss, chef d’entreprise (considéré comme fugitif) ;
28/ Mustapha Kamel Nabli, ancien ministre, ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (considéré comme fugitif) ;
29/ Kamel Jendoubi, activiste politique, lobbyiste, ancien président de l’Instance électorale (considéré comme fugitif) ;
30/ Noureddine Ben Ticha, activiste politique, lobbyiste, ancien conseiller auprès du président de la République (considéré comme fugitif) ;
31/ Kaouther Daâssi, activiste politique (considérée comme fugitive) ;
32/ Raouf Khalfallah, journaliste et directeur-fondateur du journal Akher Khabar (considéré comme fugitif) ;
33/ Abdelmajid Ezzar, ancien président de l’Union des agriculteurs (considéré comme fugitif) ;
34/ Tasnim Kheriji, fille de Rached Ghannouchi sans aucune activité politique connue (considérée comme fugitive) ;
35/ Nadia Akacha, enseignante universitaire, ancienne cheffe de cabinet du président Kaïs Saïed (considérée comme fugitive) ;
36/ Mohamed Ben Dhaou ;
37/ Ahmed Doula, TRE ;
38/ Mohamed Attia, retraité ;
39/ Moez Hassioune, enseignant universitaire ;
40/ Radhouane Reguez, chef d’entreprise ;
41/ Kamel Akrout, politicien, ancien officier de l’armée, ancien candidat à la présidentielle (considéré comme fugitif) ;
42/ Taoufik Bouaoun, ancien haut cadre du ministère de l’Intérieur sans aucune activité politique connue ;
43/ Slim Jebali, influenceur ;
44/ Walid Balti, chef d’entreprise, influenceur ;
45/ Abdelkrim Zbidi, ancien ministre ;
46/ Rabeb Sbaï, activiste politique ;
47/ Mustapha Ben Ahmed, politicien, ancien député ;
48/ Bochra Belhadj Hamida, politicienne, militante des Droits de l’Homme, avocate et ancienne députée (considérée comme fugitive) ;
49/ Karim Guellaty, avocat, chef d’entreprise et actionnaire de référence du journal Business News (considéré comme fugitif) ;
50/ Bernard Henri Lévy, journaliste vivant à l’étranger (considéré comme fugitif) ;
51/ Rafik Chaâbouni, chef d’entreprise (considéré comme fugitif) ;
52/ Najla Letaïef (considérée comme fugitive).
Problèmes de forme
Avant d’aborder le fond de l’affaire, c’est-à-dire le complot lui-même, plusieurs irrégularités de forme entachent ce dossier.
Le juge chargé de présider le procès a été nommé le 3 février par la ministre de la Justice, alors que, légalement, c’est au Conseil supérieur de la magistrature de procéder à ce type de nominations. Il s’agit de Lassaâd Chamakhi, connu du grand public pour son rôle dans l’affaire du yacht d’Imed Trabelsi, neveu de Leïla Ben Ali. À l’époque, en tant que juge, il avait innocenté Imed Trabelsi des accusations de vol concernant ce bateau français, disparu en Corse avant d’être retrouvé à Sidi Bou Saïd.
Le juge d’instruction en charge du dossier est lui aussi controversé. Il serait actuellement impliqué dans une autre affaire de complot et aurait fui à l’étranger il y a quelques mois.
Alors que toute l’attention est portée sur cette affaire, les accusés resteront en détention durant le procès et seront auditionnés à distance par visioconférence.
L’ingérence du pouvoir exécutif est manifeste, notamment à travers les accusations infondées de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Nabil Ammar. Dans une interview accordée le 4 avril 2023 au journal italien La Repubblica, il avait affirmé que les services de renseignement disposaient de preuves et qu’il y aurait des condamnations, violant ainsi la présomption d’innocence des prévenus.
Autre anomalie, les avocats de la défense n’ont pas eu accès aux dossiers de leurs clients. Jusqu’à la semaine dernière, ils ne disposaient d’aucun document, à l’exception du procès-verbal de fin d’instruction, qui circule sur les réseaux sociaux depuis près d’un an.
Par ailleurs, le juge n’a rencontré les prévenus qu’une seule et unique fois. Il a prolongé leurs mandats de dépôt sans même les interroger, n’a organisé aucune confrontation et, dans certains cas, n’a convoqué ni interrogé des accusés qu’il considère pourtant comme fugitifs. C’est le cas, par exemple, de Bochra Belhadj Hmida et d’autres personnes. Certains de ces prétendus « fugitifs » sont pourtant à Tunis, apparaissent régulièrement dans les médias et sur les réseaux sociaux, et ont même franchi les frontières avant et après l’instruction.
Aberrations à la pelle
Sur le fond du dossier, la lecture du rapport de fin d’instruction révèle un nombre ahurissant d’aberrations, laissant deviner que cette affaire a été montée de toutes pièces par le pouvoir pour écarter des opposants devenus trop encombrants.
Le point de départ de l’affaire repose sur des renseignements fournis par deux informateurs, présentés par le juge d’instruction sous les pseudonymes XX et XXX. Dans une interview accordée à France 24 le lundi 3 mars 2025, Kamel Jendoubi a affirmé que XX serait l’actuel député Abdelhalim Boussemma et que XXX serait le lobbyiste actuellement emprisonné Chafik Jarraya. Des propos qui viennent confirmer une rumeur persistante depuis plus d’un an sur l’identité des deux informateurs. Par l’intermédiaire de son avocat, Chafik Jarraya a déclaré avoir été impliqué malgré lui dans cette affaire, tandis qu’Abdelhalim Boussemma a démenti en décembre dernier tout lien avec le témoin anonyme de l’affaire du complot.
Peu importe leur identité, le fait est que les « informations » fournies par ces deux anonymes ont servi de point de départ au juge d’instruction, malgré leurs nombreuses incohérences.
Le premier épisode de l’affaire débute avec XXX, qui aurait un ami, homme d’affaires tunisien résidant en Belgique, lui affirmant avoir appris de graves informations sur un complot en cours contre Kaïs Saïed. Lorsque XXX lui demande la source de ces informations, son ami lui répond qu’il les tient d’une femme d’affaires tunisienne vivant au Royaume-Uni, qui lui aurait raconté cette histoire.
En clair, le principal délateur n’a aucune information de première main, n’a rien vu ni entendu lui-même. Il se base sur une source anonyme vivant en Belgique, qui elle-même s’appuie sur une autre source, tout aussi anonyme, résidant au Royaume-Uni.
Les accusations reposent notamment sur l’affirmation que Kamel Letaïef connaîtrait un certain Rafik Chaâbouni, présenté comme un trafiquant d’armes basé en Belgique et fournissant des terroristes. D’après le délateur, Chaâbouni serait activement recherché en Belgique, tout en affirmant dans le même temps qu’il voyage régulièrement dans plusieurs pays occidentaux, notamment dans des « îles italiennes suspectes ». Quelle est la signification de cette expression ? Comment un individu supposément recherché pour terrorisme pourrait-il circuler librement ? Vérification faite, Rafik Chaâbouni n’est recherché nulle part. Le délateur n’a présenté aucune preuve factuelle étayant ses propos, qui, malgré leur légèreté, ont pourtant été retranscrits dans le procès-verbal.
Selon le même informateur, Rafik Chaâbouni aurait contacté Ali Hlioui, un ami de Kamel Letaïef, sous prétexte qu’il serait spécialisé dans l’introduction clandestine d’armes en Tunisie et qu’il maîtriserait parfaitement les frontières maritimes grâce à des agents des forces de l’ordre corrompus. Là encore, aucune preuve n’appuie ces affirmations. Aucun agent des forces de l’ordre n’a été cité dans l’affaire, et aucun élément n’indique qu’un quelconque pot-de-vin aurait été versé. L’enquête n’a permis ni la saisie d’armes ni la découverte de la moindre trace d’un trafic d’armes en Tunisie.
Dans sa lancée, le délateur prétend également qu’Ali Hlioui aurait retiré de l’argent irakien déposé à la Banque centrale de Tunisie grâce à la complicité de Kamel Letaïef. Ici encore, aucune preuve factuelle ne vient corroborer cette accusation. Aucun document de la BCT n’atteste un tel retrait, aucune trace comptable ne le confirme, et aucune preuve ne démontre même l’existence d’un dépôt d’argent irakien à la BCT. Quand bien même ce fonds existerait, comment quiconque pourrait-il y avoir accès et effectuer un retrait ?
Quand l’informateur s’emmêle les pinceaux
Dans son récit à la fois romanesque et conspirationniste, le délateur s’est emmêlé les pinceaux à plusieurs reprises.
Ainsi, lorsqu’il évoque Ridha Charfeddine, ancien député, cofondateur et actionnaire de la chaîne Attessia, il affirme que ce dernier, avec la complicité de Kamel Letaïef, aurait comploté pour provoquer des perturbations dans la distribution de médicaments. Il prétend également que des médicaments destinés aux hôpitaux auraient été détournés afin que Ridha Charfeddine les revende à des prix exorbitants aux citoyens via son entreprise Siphat. Non seulement ces allégations sont dénuées de toute preuve, mais elles révèlent surtout l’ignorance du délateur : il semble ignorer que les prix des médicaments sont fixés par les autorités de tutelle et non par les industriels. De plus, l’entreprise pharmaceutique de Ridha Charfeddine ne s’appelle pas Siphat, qui est une entreprise publique, mais Unimed. Malgré l’absurdité de ces accusations, elles ont été reprises telles quelles, sans la moindre vérification, par le juge d’instruction.
Mais il y a eu encore pire dans ce même procès-verbal.
Dans plusieurs passages de sa délation, l’informateur affirme que tel suspect aurait rencontré tel autre à un endroit donné, alors que les deux personnes ne se sont jamais croisées de leur vie. Il attribue même des rencontres à des lieux purement imaginaires, comme le Luxembourg, alors que les personnes concernées n’y ont jamais mis les pieds. Autre lieu fictif de rencontre : la Libye. Le délateur prétend que Lazhar Akremi y disposerait d’un réseau actif (sans préciser de quoi il s’agit) et qu’il aurait eu plusieurs entretiens avec des diplomates et des hommes politiques libyens à Tripoli. Or, Lazhar Akremi n’a pas mis les pieds en Libye depuis 1979.
Un mort dans les antichambres de la Marsa
Un complot ne saurait exister sans des réunions nocturnes dans des antichambres obscures. Du moins, c’est ainsi que l’imagine l’informateur. Dans son récit, il affirme qu’une femme appelée Saloua, surnommée Tata, possède une maison à la Marsa et une autre à Gammarth. Selon lui, elle aurait mis ces demeures à disposition des conspirateurs pour des réunions organisées en 2022 et 2023, réunissant notamment Ridha Belhadj, Kamel Letaïef, Khayam Turki, Noureddine Ben Ticha, Mustapha Kamel Nabli, Bouali Mbarki et Noureddine Taboubi.
Le problème avec ce récit, c’est que le délateur ne donne aucune date précise et, comme dans le reste de son témoignage, ne fournit aucune preuve. Un autre détail frappant est que la loi tunisienne n’incrimine pas la tenue de réunions. Plus troublant encore, plusieurs des personnes citées ne se sont jamais rencontrées. Noureddine Ben Ticha affirme même qu’il n’était pas en Tunisie à l’époque, tout comme Mustapha Kamel Nabli. Mais le summum de l’absurde réside dans la mention de Bouali Mbarki, censé s’être réuni chez Tata en 2022 ou en 2023… alors qu’il est décédé en 2020 !
Le juge d’instruction n’a pourtant pas relevé cette énorme supercherie et a inscrit le nom du défunt Mbarki dans le procès-verbal comme l’un des conspirateurs réunis chez une femme dont l’identité complète reste inconnue.
Autre aberration du témoignage du délateur : l’implication de Noureddine Boutar. Parce que Mosaïque FM avait une ligne éditoriale critique envers le pouvoir, il a jugé que cela relevait d’un complot visant à diaboliser le régime et à attiser la colère populaire. Sans tenir compte du simple exercice du journalisme, pratiqué librement partout dans le monde, le juge d’instruction a pris cette accusation au pied de la lettre et a mis en examen le journaliste et patron de la plus grande radio tunisienne.
Enfin, l’une des prétendues preuves du complot atteint un niveau de surréalisme : le fait que Ghazi Chaouachi et Ridha Belhadj aient pris le même avion. Où est le problème ? Seuls le délateur et le juge semblent le savoir.
Encore des problèmes de dates
Selon le récit du délateur, Khayam Turki aurait rencontré Lazhar Akremi le 25 janvier 2023 dans un restaurant à la Cité Ennasr. Leur discussion aurait porté sur un projet visant à s’opposer à Kaïs Saïed, avec l’objectif d’obtenir l’appui de puissances étrangères, dont la Turquie, pour provoquer une flambée des prix, exploiter l’image désastreuse de la situation et attiser la tension générale. Le but final étant de mobiliser la rue contre le président, d’organiser des manifestations en vue de le renverser et d’installer un chef d’État qui leur serait favorable.
Le problème avec ces accusations, c’est qu’elles ne reposent sur aucun témoignage ni enregistrement de la rencontre. L’origine de ces allégations reste totalement inconnue.
Un autre élément troublant concerne la chronologie des faits. Le directeur de la brigade judiciaire n’a été nommé que le 31 janvier 2023 et a rédigé sa première note relative au complot le 10 février 2023, soit quinze jours après la date supposée de la rencontre. En d’autres termes, il aurait établi des notes sur un événement avant même le début de son enquête… et avant même sa propre nomination.
Par ailleurs, l’une des réunions supposées à l’étranger aurait eu lieu à l’ambassade de Tunisie à Bruxelles. Or, à la date de cette réunion, l’ambassadeur en poste n’était autre que Nabil Ammar, qui fut ensuite promu ministre des Affaires étrangères. Comment un diplomate ayant prétendument abrité une réunion de complot contre l’État ne figure-t-il pas parmi les prévenus ? Et comment a-t-il pu bénéficier d’une promotion, devenant même, pendant un temps, l’une des personnalités les plus proches du président de la République ?
Des détails à n’en plus finir
Le procès-verbal de fin d’instruction compte 64 pages où les détails abracadabrantesques se multiplient par dizaines.
Mais ce qui frappe à la lecture de ces 64 pages, c’est qu’à aucun moment il n’y a eu d’enquête policière de terrain en bonne et due forme. Aucune écoute, aucune filature, aucune collecte de preuves ni aucun des éléments classiques d’une enquête ordinaire n’a été mené.
Le procès-verbal cite plusieurs noms d’ambassadeurs et de diplomates français, italiens, espagnols et américains. Théoriquement, si complot il y a, ces diplomates devraient être impliqués. Pourtant, le 1er avril 2023, le parquet les a totalement disculpés et ils ne figurent pas parmi les prévenus. Leurs noms apparaissent néanmoins clairement dans le document, orthographiés en caractères latins, comme pour dissiper tout malentendu.
Autre élément troublant dans l’enquête du juge d’instruction : on ne trouve aucune trace d’armes ni la moindre implication des forces de sécurité ou de l’armée. Comment un complot contre l’État pourrait-il se tramer sans recours à la violence et sans complicité des forces armées ?
Ici et là, on prétend que les protagonistes voulaient provoquer des pénuries et de l’inflation afin de remonter la population contre le pouvoir. Non seulement, on ne dit pas quel était le mode opératoire pour provoquer une telle crise économique dans le pays, mais le juge d’instruction ne se rend même pas compte de la grossièreté de l’accusation et qu’une telle crise est impossible à provoquer par les protagonistes, quand bien même il y aurait eu conspiration. On relève, au passage, que les pénuries et l’inflation n’ont pas cessé après l’arrestation de toutes ces personnalités.
Dans un pays normal, le juge aurait classé l’affaire tout de suite, tant les propos du délateur sont mensongers, insignifiants et dénués de preuves. Il aurait même pu l’accuser d’outrage, de diffamation et de propagation de fausses informations. Rien de tout cela n’a été fait, le juge d’instruction et la chambre d’accusation ont pris les propos du délateur pour la vérité absolue.
Manipulation du pouvoir
Durant quatorze mois d’instruction (achevée en avril dernier), le juge d’instruction a cherché à masquer ces incohérences afin que l’opinion publique ne perçoive pas la vacuité du dossier, la faiblesse des charges et l’absence totale de preuves. L’affaire a été soigneusement étouffée pour manipuler l’opinion et lui faire croire à l’existence d’un complot, tout en empêchant les prévenus et leurs avocats de se défendre et de clamer publiquement leur innocence.
Vendredi dernier, lors de l’émission RDV9 diffusée sur Attessia, le propagandiste du régime a délibérément occulté l’intégralité du procès-verbal de fin d’instruction et s’est uniquement focalisé sur le rapport approximatif d’un expert mandaté par le juge. Or, ce rapport a été contesté par certains prévenus, qui ont déposé un recours demandant son annulation. Les éléments du rapport n’ont même pas été repris dans le PV de fin d’instruction.
Qu’à cela ne tienne, l’opinion publique a été maintenue dans une opacité totale depuis février 2023, souvent manipulée par des médias aux ordres ou avides de polémique, à l’image d’Attessia et d’Echourouk.
Une affaire cousue de fil blanc
À travers l’examen du dossier du complot contre l’État, il apparaît clairement que cette affaire repose sur un enchevêtrement d’accusations infondées, de témoignages douteux et d’invraisemblances flagrantes. Des incohérences dans les dates, des délations sans preuves, des accusations basées sur des sources anonymes et des éléments qui relèvent plus du roman noir que de l’instruction judiciaire rigoureuse : tout démontre une volonté manifeste d’écarter des opposants politiques sous prétexte de complot.
Plus encore, l’ingérence du pouvoir exécutif est évidente, tant dans la nomination des juges que dans la gestion de l’enquête. Aucune filature, aucun enregistrement, aucune preuve tangible ne vient étayer ces allégations, si ce n’est des procès-verbaux truffés d’inexactitudes et de contradictions. Certains accusés ont même été déclarés conspirateurs alors qu’ils étaient hors du pays… ou décédés depuis des années.
Ce procès ne repose donc pas sur des faits, mais sur une machination destinée à neutraliser des figures politiques et médiatiques gênantes. Pendant quatorze mois, l’instruction a été menée dans l’opacité, empêchant toute défense et nourrissant la propagande d’un régime qui cherche à imposer son récit.
« Quand le mensonge prend l’ascenseur, la vérité prend l’escalier. Elle met plus de temps, mais elle finit toujours par arriver. »
Le pouvoir a tout fait pour l’étouffer, allant jusqu’à nommer un juge acquis à sa cause et à interdire aux prisonniers d’assister physiquement à leur procès.
Mais malgré l’intimidation, la censure et les manipulations, la vérité finit toujours par éclater. En ce 4 mars 2025, l’heure est venue de confronter les faits à la réalité et de démontrer, preuves à l’appui, que ce prétendu complot n’a jamais existé ailleurs que dans l’esprit de ceux qui en ont tiré profit.
Nizar Bahloul