Un soir, en avril, une bombe artisanale a été lancée sur le siège du satanisme américain à Salem, dans le Massachusetts. Elle n’a pas explosé, et n’a été retrouvée que douze heures plus tard. Selon la police, elle se composait d’un tube en plastique rempli de clous et de poudre. Si elle avait été mieux conçue, elle aurait pu causer des dégâts importants. Un message laissé dans un pot de fleurs non loin disait qu’“Elohim” (un mot hébreu pour désigner Dieu) avait envoyé l’auteur de l’attentat “abattre Satan”.
Peu après, le FBI a interpellé Sean Patrick Palmer, un résident de l’Oklahoma de 49 ans, et l’a inculpé pour l’attentat. Les gens qu’il avait espéré viser n’étaient pas littéralement des adorateurs du démon – du moins, ils n’étaient pas du genre à boire du sang et à sacrifier des bébés. Le Temple sataniste est une communauté qui fait campagne contre l’invasion de la vie publique américaine par le christianisme. Leur truc consiste à demander l’autorisation de faire tout ce que font les chrétiens, et à se plaindre avec véhémence si cela leur est refusé. Ils organisent des réunions hebdomadaires, gèrent des clubs dans des écoles et célèbrent des mariages satanistes.
Les “rois des trolls”
L’année dernière, le groupe est allé plus loin que jamais, en lançant un service de télémédecine consacré à l’avortement au Nouveau-Mexique, où les interventions de ce type sont légales tout au long de la grossesse. Ils l’ont baptisé la “clinique sataniste pour avortements de la maman de Samuel Alito”, du nom du juge conservateur de la Cour suprême auteur de l’opinion majoritaire dans l’affaire Dobbs vs Jackson, qui a privé les Américaines de leur droit constitutionnel à l’avortement. La clinique prescrit des pilules à des femmes au Nouveau-Mexique, même à celles qui viennent d’États où l’avortement est interdit.
Avant d’ingérer les pilules, il leur est demandé de réciter les préceptes du Temple sataniste (“Le corps d’une personne est inviolable, soumis à sa seule volonté”) et de déclarer : “Par mon corps, mon sang. Par ma volonté, cela est accompli.”
Les satanistes expliquent que ce “rituel d’avortement” a pour objectif de “dissiper les effets d’une persécution injuste”. Ce qui n’a pas manqué d’ulcérer la droite chrétienne. Le Christian Research Institute, une institution évangélique, a affirmé que les satanistes exploitaient “leur réputation sinistre, et sombre jusqu’à la caricature, pour agiter l’opinion publique et pousser la droite chrétienne à les attaquer en justice”, et les a dépeints comme “les rois des trolls”.
Baphomet
C’est en 2013 que le Temple sataniste a fait les gros titres pour la première fois, quand un homme arborant une paire de cornes de chèvre, accompagné de quatre sbires drapés de noir, a orchestré un rassemblement à Tallahassee, en Floride, contre une loi qui autorisait les élèves à diffuser dans leurs écoles des messages “d’inspiration spirituelle”, dont des prières. Si les écoliers chrétiens avaient le droit de prêcher, alors ledit droit devrait s’appliquer à tout le monde, ont clamé les satanistes.
En 2014, quand l’Oklahoma a fait ériger une gigantesque table de pierre où étaient gravés les Dix Commandements devant le bâtiment du capitole de cet État, le Temple sataniste a annoncé qu’il dresserait son propre monument à peu de distance de là – une grande statue en bronze de Baphomet, hybride d’homme et de bouc associé aux sciences occultes. L’organisation a fait campagne pour que la statue soit placée sur le terrain du capitole, jusqu’à ce qu’un juge décrète que la table des Dix Commandements n’était pas constitutionnelle et qu’elle devait donc être retirée.
Quant au Baphomet, lui, il se trouve maintenant dans leur siège de Salem – une superbe maison de style victorien qui a abrité auparavant une entreprise de pompes funèbres. À l’entrée de l’édifice, le drapeau arc-en-ciel du mouvement pour les droits des gays claque au vent, marqué d’un pentagramm