La vidéo est devenue virale au Zimbabwe. On y voit un superviseur chinois pointer une arme à feu sur une pelleteuse. Aux manettes de l’engin de chantier, un employé noir réclame des arriérés de salaire. Dans un deuxième clip, on aperçoit l’employé au sol, maîtrisé par trois personnes. Juché sur son dos, un Chinois pointe une arme sur sa tête.
La scène qui s’est déroulée dans une mine chinoise, à Gweru, au centre du Zimbabwe, le 21 janvier, a provoqué l’indignation. Depuis sa diffusion, les messages appelant les autorités “à sévir contre les investisseurs chinois accusés d’exploiter les travailleurs locaux” se multiplient, rapporte le média indépendant Zimlive.
Le quotidien d’État The Chronicle a confirmé l’incident, précisant que le superviseur chinois avait été arrêté, ainsi que l’employé zimbabwéen, accusé d’avoir poignardé son superviseur à la jambe au cours de la bagarre. Le lendemain, un autre ressortissant chinois a été arrêté. Il est accusé d’avoir tiré sur un Zimbabwéen qui aurait été surpris en train de voler de l’or dans une mine de Filabusi, dans le sud du pays, rapporte le journal.
Fréquentes altercations
“De telles affaires de violences ou le recours à des armes dangereuses ne sont pas des incidents isolés au Zimbabwe”, observe dans un éditorial le quotidien indépendant NewsDay. Ces deux affaires viennent en effet s’ajouter à une longue liste d’abus similaires.
En juin 2024, un responsable chinois est accusé d’avoir tiré sur deux de ses employés qui demandaient également le paiement de leur salaire. Un mois plus tôt, un autre ressortissant chinois aurait tué un homme en lui tirant dans la cuisse et blessé un autre, après avoir surpris les deux hommes s’introduire illégalement dans le périmètre d’une mine.
L’entreprise impliquée dans l’incident du 21 janvier, Ming Chang Sino-Africa Mining Investments, se défend en assurant que l’employé aurait pris les manettes de l’excavateur sans autorisation, avant de menacer ses superviseurs en tentant de les écraser. “Liu Haifeng [le contremaître] a fait un tir de sommation en l’air, en prenant en compte toutes les procédures de sécurité en matière d’armes à feu, sans blesser personne”, indique l’entreprise dans un communiqué cité par le quotidien d’État The Herald.
Atteintes aux droits humains
Mais le Centre pour la gouvernance des ressources naturelles (CNRG), une organisation issue de la société civile, appelle le gouvernement à sévir contre les entreprises chinoises. Dans un communiqué relayé par NewsDay, il accuse les autorités zimbabwéennes de laxisme à l’égard des entreprises chinoises.
En 2014, l’association avait déjà demandé au Parlement d’enquêter sur les pratiques des entreprises chinoises après la publication d’un rapport révélant de multiples atteintes aux droits humains ainsi qu’au droit du travail. “Le gouvernement donne le ton sur la manière dont les investisseurs doivent se comporter et traiter les citoyens zimbabwéens, souligne son directeur, Farai Maguwu. Qui ajoute :
“Faciliter le business n’est pas la même chose que tolérer des agressions contre les citoyens et la suspension de l’État de droit.”
“Un sentiment partagé par tous les Zimbabwéens dotés de bon sens, abonde NewsDay dans son éditorial. Nous ne pouvons pas être réduits en esclavage dans notre propre pays au nom de soi-disant investisseurs qui ne sont là que pour voler nos ressources naturelles. Beaucoup d’entre eux ne paient pas d’impôts et n’utilisent pas non plus les canaux bancaires officiels.”
“Ce qui est plus déconcertant est le nombre de ressortissants chinois désormais en possession d’armes au Zimbabwe, ajoute le quotidien, qui conclut par une question : Juste par curiosité : où trouvent-ils ces armes ?”