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la justice tunisienne vit une situation catastrophique !

- Tunisie
février 17, 2025

 

Le bureau exécutif de l’Association des magistrats tunisiens (AMT) a alerté, dans un communiqué publié lundi 17 février 2025, sur la gravité de la situation du système judiciaire en Tunisie, marqué par l’ingérence croissante du ministère de la Justice et la suppression de toutes les garanties d’indépendance judiciaire.

L’AMT a indiqué que la justice fait face à une crise profonde, exacerbée par des changements arbitraires dans la composition des tribunaux, un manque de transparence dans les nominations et la gestion des carrières des juges, ainsi qu’une surcharge de travail chronique. Ce climat a mené à une perte de confiance dans l’institution judiciaire, compromettant la protection des droits et libertés des citoyens.

 

L’intégralité du texte traduit :

« Le bureau exécutif de l’Association des magistrats tunisiens, au vu de la situation générale actuelle du système judiciaire, marquée par une extension accrue de l’influence du ministère de la Justice sur le pouvoir judiciaire et son contrôle total, exploitant la vacuité institutionnelle et l’état de paralysie du Conseil provisoire de la justice judiciaire depuis deux ans à cause de la création intentionnelle de postes vacants, s’inquiète profondément de la situation qui devient progressivement catastrophique et qui se détériore chaque jour, année après année. La justice a atteint un point où toutes les garanties d’indépendance ont été supprimées, avec l’absence d’un Conseil supérieur de la justice indépendant et fonctionnel, et sous l’administration directe de l’exécutif, avec l’ingérence législative pour limiter ses prérogatives, comme cela a été observé dans l’amendement de la loi électorale. Cette situation a conduit à une régression du rôle de la justice dans la protection des droits et libertés, et à la disparition de sa capacité à établir un équilibre entre les pouvoirs.

 

Face à l’abus continu de l’usage des notes de service, presque quotidiennement, dans la justice judiciaire dans le but de réaliser des changements fondamentaux et continus dans la composition des tribunaux, des responsables judiciaires, des juges du ministère public et des juges d’instruction pendant l’année judiciaire, dans un grand nombre de tribunaux à travers le pays, sans tenir compte des minimums juridiques ou des critères objectifs pour assurer le bon fonctionnement de la justice, la situation s’est gravement aggravée. Il en résulte la surcharge de travail dans de nombreux tribunaux, dépassant la capacité humaine des juges, et des longues audiences qui se prolongent jusqu’à tard dans la nuit, avec un impact humain négligeant la fatigue des juges, greffiers et avocats, et rendant difficile pour les justiciables de suivre leurs dossiers en raison du désordre dans la répartition des affaires, causé par la suppression et la fusion des chambres judiciaires de manière arbitraire, ce qui a eu des conséquences graves sur la gestion des affaires judiciaires.

 

Le bureau exécutif déplore également le manque de président et de procureur général à la Cour de cassation depuis plus de deux ans, une situation sans précédent, ainsi que la gestion de cette haute cour par des juges nommés sur ordre, facilitant leur orientation par le ministère de la Justice. Ce phénomène concerne également le Tribunal immobilier, qui reste sans président, et l’absence de transparence dans les nominations des présidents de chambre à la Cour de cassation. Cette situation s’applique aussi à d’autres institutions judiciaires telles que l’Institut supérieur de la justice, où les nominations se font selon des critères de proximité avec la ministre de la Justice, en dehors des standards de compétence et d’indépendance.

 

Le bureau exécutif appelle à l’ouverture d’enquêtes sur les décisions de révocation et les suspensions de juges sans justification claire et sans respect des garanties légales. De plus, il souligne que l’absence de critères juridiques et institutionnels pour la promotion des juges a affecté leur sécurité financière et leurs droits à des avantages matériels en raison de promotions sans résultats concrets.

 

Le bureau exécutif exprime également sa préoccupation face à l’absence d’une vision claire pour une réforme du système judiciaire, l’absence d’un Conseil supérieur de la magistrature indépendant et élu, et l’absence de programmes réels et transparents pour le développement de la justice.

 

Enfin, le bureau exécutif félicite les juges récemment diplômés de la promotion 32 de l’Institut supérieur de la justice, les encourage à préserver leur indépendance et leur impartialité dans l’exercice de leur fonction, et à défendre les droits et libertés dans le cadre de leur mission. Il rappelle à tous les juges que leur devoir et responsabilité principale, malgré les pressions, reste de défendre les droits des justiciables, d’appliquer la loi et de préserver l’intégrité du système judiciaire, ce qui constitue la garantie de la stabilité sociale et des principes de l’État de droit ».