Ennaifer : il faudra deux à trois ans aux banques pour retrouver le taux de rendement de leurs capitaux propres
Le professeur en économie et analyste financier, Bassem Ennaifer, est revenu, vendredi 7 mars 2025, sur la note publiée par l’agence de notation Fitch Ratings sur le défi de rentabilité des banques tunisiennes suite des nouvelles réglementations sur les crédits et la révision du taux d’imposition.
Notons que l’agence évalue l’impact de la réduction du taux d’intérêt sur certains prêts à taux fixe sur les bénéfices nets des dix plus grandes banques tunisiennes à environ 170 millions de dinars en 2025. Un montant qui représenterait 11% de leurs bénéfices nets. L’agence évalue, en outre, l’entrée en vigueur prochaine d’une mesure permettant aux PME d’accéder à des prêts sans intérêt, dans une enveloppe de 8% des bénéfices nets des banques en 2024. Cette mesure coûtera environ cinquante millions de dinars aux dix principales banques, soit 3% de leur bénéfice net du premier semestre 2024. Donc, ces deux mesures combinées devraient réduire les bénéfices nets des dix premières banques tunisiennes de 14% en 2025.
M. Ennaifer a affirmé, au micro de Wassim Ben Larbi dans l’émission Expresso sur Express Fm, que les chiffres avancés par l’agence sont très raisonnables, avec un effet immédiat sur la marge d’intérêt qui représente 45,4% du PNB en 2024 (contre 54% en 2021). Ainsi et selon lui, une partie des effets sera visible sur les résultats de 2024 et l’autre sur les résultats de 2025. Et de souligner que cela dépendra aussi de l’encours crédit.
L’expert a expliqué que la rentabilité des crédits à taux fixe va chuter. Donc, concrètement, les crédits sur long terme de quinze à vingt ans seront impactés. Vu le coût des ressources, un crédit à long terme non seulement ne rapportera plus rien mais en plus il aura un coût pour les banques, donc elles vont perdre de l’argent sur ce type de crédits. Les banques étant des entreprises à but lucratif, elles vont donner moins de crédits à coût fixe.
Pour lui, la maturité de l’encours de crédit va baisser à sept à dix ans, à moins que les banques accordent des crédits à long terme à taux d’intérêt variable ce qui représente un risque pour la banque et son client.
L’analyste a affirmé que ces nouvelles règles pour le secteur bancaire se répercuteront par moins de ressources pour l’État et que le secteur bancaire va s’orienter plus vers la gestion d’actifs notamment empruntés à l’État.
Tout cela aura in fine des répercussions sur la croissance économique et l’investissement avec une instabilité des prévisions macroéconomiques pour les sociétés et les investisseurs outre le fait que les banques auront des difficultés à trouver des ressources à moindre coût de ressources, toujours selon ses dires.
Et de soutenir que tout cela a été débattu, ce qui est nouveau avec le rapport de Fitch Ratings, c’est la quantification de l’impact : étant une agence de notation, elle dispose de certaines données que tout le monde ne détient pas.
Bassem Ennaifer a noté qu’avant ces mesures, tout le monde prétendait que le secteur bancaire n’était pas en train de financer l’économie. Mais, selon lui, l’entrée en vigueur de cette loi, va augmenter, du moins à court terme la réticence du secteur bancaire à financer l’économie, jusqu’à parvenir à un nouvel équilibre avec des coûts de ressources raisonnables, pour ne pas perdre de l’argent.
Et rappeler que le secteur bancaire supporte un coût de risque, en précisant que les provisions réalisées par les banques en 2023 ne sont pas loin du bénéfice réalisé par le secteur.
Par ailleurs, il pense que les banques vont donner plus d’importance au recouvrement des dettes de classe 3 et 4, pour des reprises sur provisions qui impacteront positivement leur résultats.
L’analyste estime qu’il faudra deux à trois ans aux banques pour trouver un nouveau modèle de fonctionnement, et parvenir à un taux de rendement des capitaux propres dans la moyenne actuelle.
I.N.