
Le samedi 17 mai 2025, au cœur du Village International du Marché du Film de Cannes, l’Égypte s’est distinguée en remportant le Prix du Meilleur Pavillon, décerné à l’issue de la quatrième édition des Pavilion Design Awards. Ce prix, de plus en plus convoité, vient couronner les efforts conjoints de plusieurs institutions cinématographiques égyptiennes, saluant leur capacité à transformer un espace éphémère en un véritable foyer de culture, d’histoire et d’innovation cinématographique.
Conçu comme un espace de rencontre et de rayonnement, le Pavillon égyptien a su séduire le jury par sa vision claire et ambitieuse. La distinction reçue — qui célèbre à la fois l’esthétique, la programmation et la dynamique de l’accueil — a été attribuée par un jury composé de Yi Chou, membre du programme Cannes Makers 2024, Elaine Guerini, critique de cinéma brésilienne, et Leticia Godinho, directrice adjointe du département business de Series Mania. Ensemble, elles ont visité 19 pavillons représentant une mosaïque de pays et d’institutions – du Maroc à l’Estonie, de la Tunisie à l’Institut Français – avant de désigner l’Égypte comme lauréate de cette édition 2025.
Une scénographie pensée comme un manifeste culturel
La réussite du pavillon tient à la force de sa scénographie, conçue et imaginée par Shereen Farghal, fondatrice et directrice de JY Studios. Au cœur de cette installation, l’exposition « Seven Egyptian Cities That Embraced Cinema (Sept villes égyptiennes qui ont embrassé le cinéma) » retraçait avec poésie et précision les liens étroits entre le septième art et l’urbanité égyptienne. Ce parcours offrait aux visiteurs un regard singulier sur la manière dont les villes égyptiennes ont porté, accueilli et façonné la cinématographie nationale au fil des décennies.
Mais au-delà de l’élégance esthétique et de l’inspiration historique, c’est l’ingéniosité fonctionnelle du pavillon qui a particulièrement retenu l’attention du jury. Le communiqué du Marché du Film souligne la présence d’une petite salle de projection intégrée au dispositif, pensée pour « raconter l’histoire du cinéma égyptien et affirmer sa place actuelle dans l’industrie ». Ce subtil « équilibre entre héritage et actualité » a incarné, selon les membres du jury, l’esprit même du prix : distinguer les pavillons qui ne sont pas de simples vitrines, mais de véritables plateformes vivantes de dialogue et de création.
Une organisation collective au service d’une ambition commune
Le Pavillon égyptien est né d’une collaboration étroite entre trois institutions majeures : le Festival International du Film du Caire, représenté par son président, l’acteur Hussein Fahmy, le Festival du film d’El Gouna, mené par Amr Mansi (directeur exéLeur coordination exemplaire a permis de donner corps à une vision partagée : offrir une expérience immersive qui dépasse le cadre promotionnel pour s’inscrire dans une dynamique de coopération professionnelle à long terme.
Dans une déclaration enthousiaste, Hussein Fahmy a salué cette reconnaissance en soulignant la cohérence d’un projet pensé dès le départ comme un lieu de rencontre entre le local et l’international. « Ce prix confirme l’excellence du Pavillon égyptien au Marché du Film », a-t-il affirmé, rappelant que « chaque activité, chaque interaction a été conçue pour valoriser la diversité des capacités cinématographiques de l’Égypte et favoriser des partenariats concrets avec les professionnels du monde entier ».
Des activités professionnelles stratégiques
Tout au long des neuf jours du Marché du Film, le Pavillon égyptien a accueilli une programmation dense et ciblée, incluant conférences, ateliers et présentations. Ces événements ont visé à renforcer les opportunités de coopération dans la région, à inciter les tournages internationaux à choisir l’Égypte comme destination, mais aussi à mettre en avant les talents émergents et confirmés du pays. L’espace a ainsi agi comme un levier de développement pour l’industrie cinématographique locale, en s’ancrant pleinement dans les logiques de réseautage du Marché.
Cette démarche stratégique s’inscrit dans une volonté affirmée de repositionner l’Égypte comme hub régional et international de la production cinématographique, tirant parti de son riche patrimoine, de ses ressources humaines et de ses infrastructures de tournage.
Une reconnaissance qui dépasse les frontières
Ce prix vient non seulement célébrer le Pavillon en tant que tel, mais aussi consacrer l’élan collectif d’un écosystème qui, depuis plusieurs années, multiplie les initiatives pour faire rayonner le cinéma égyptien au-delà de ses frontières. Pour Shereen Farghal, lauréate indirecte de cette distinction grâce à son travail de conception, l’émotion est palpable : « Cette reconnaissance reflète les efforts considérables de toute la communauté cinématographique égyptienne. Elle n’aurait pas été possible sans le soutien de nos partenaires et sans l’engagement des talents qui ont contribué au projet ».
C’est aussi cette synergie entre institutions publiques, festivals indépendants, artistes et professionnels qui confère à la démarche toute sa légitimité et sa singularité. À une époque où la diplomatie culturelle passe de plus en plus par les dispositifs événementiels, l’exemple du Pavillon égyptien 2025 pourrait faire école, en montrant qu’un stand, aussi éphémère soit-il, peut cristalliser de grandes ambitions nationales.
Vers une nouvelle ère de visibilité pour le cinéma égyptien ?
Le succès du Pavillon égyptien à Cannes s’inscrit dans un contexte de renouveau pour le cinéma du pays, qui cherche à reconquérir une place de premier plan dans le paysage cinématographique international. Cette récompense, loin d’être symbolique, pourrait servir de tremplin à de nouveaux projets, à des partenariats renforcés et à une plus grande circulation des œuvres égyptiennes dans les festivals et marchés du monde entier.
Elle invite aussi à réfléchir à la manière dont un pays peut se raconter à travers le prisme du cinéma, et comment l’architecture événementielle — lorsqu’elle est pensée avec cohérence — devient un vecteur puissant de narration nationale. En misant sur un récit à la fois ancré dans l’histoire et tourné vers l’avenir, l’Égypte a su séduire, émouvoir et convaincre, tout en affirmant sa volonté de jouer un rôle actif sur la scène cinématographique mondiale.
Dans un Marché du Film où les pavillons rivalisent de créativité pour capter l’attention, le triomphe de l’Égypte résonne comme un appel à l’excellence et à la vision partagée. Plus qu’un prix, c’est une invitation lancée au monde du cinéma : celle de (re)découvrir un pays dont le passé, le présent et l’avenir cinématographiques se conjuguent avec audace.
Neïla Driss