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En Chine, les professeurs de lycée aux prises avec les élèves en dépression

In Business
juin 09, 2025

2021 a été une année particulièrement difficile. Dès janvier, nous avons eu le premier cas d’un élève en détresse psychique, qui s’est suicidé le jour du contrôle mensuel. L’incident s’est produit dans un bâtiment qui venait juste d’être achevé, et dont les couloirs étaient tous équipés de caméras de surveillance.

En visionnant les vidéos, nous avons pu voir que, après la lecture du matin, le jeune homme s’est rendu dans la salle d’examen du 4e étage en discutant et en plaisantant avec ses camarades. Ils ont d’abord attendu un moment dans le couloir. Et c’est lorsque ses camarades sont entrés dans la salle de classe qu’il leur a soudain tourné le dos pour se jeter dans le vide, les laissant sous le choc.

Après ce cas, nous en avons eu un autre à la fin de cette même année, puis encore un autre en avril de l’année suivante. Par la suite, tous les trimestres, nous avons été confrontés à ce genre de gestes désespérés.

On ne peut pas ignorer le mal-être psychique des élèves. Dès 2019, le ministère de l’Éducation a demandé aux lycées de faire passer des tests pour évaluer la santé mentale des jeunes entrant en seconde. Cela nous a permis de constater, en 2023, qu’une centaine d’élèves de seconde sur plus de mille souffraient de troubles dépressifs modérés à sévères.

Ces élèves ont été répartis dans plusieurs classes, pour éviter que leur présence n’affecte trop l’ensemble du groupe. Pour autant, un professeur principal a dû en accueillir une dizaine dans sa classe, dont trois cas graves. Leur trouver une place adéquate a été un véritable casse-tête.

De mon point de vue, en tant qu’enseignante d’une seule matière, je ne savais pas trop, au début, comment gérer les élèves dépressifs. Mais une chose me frappe à chaque fois que j’entre en classe : l’atmosphère lourde qui y règne. Pendant le cours, les enfants soit piquent un somme sur leur bureau, soit gardent la tête baissée, enfermés dans leur monde. J’ai essayé de les faire travailler en groupe, mais ça n’a pas pris

Six psychologues scolaires

Pour autant, les cas de dépression chez les jeunes étant de plus en plus nombreux, les enfants d’aujourd’hui n’hésitent pas à en parler ouvertement, ce qui est nouveau. Si un nouvel enseignant s’étonne, en arrivant en classe, de voir tant d’absents, les autres élèves vont spontanément lui expliquer qu’ils sont soignés pour dépression. On trouve aussi des délégués de classe qui interviennent pour demander au professeur de faire preuve de compréhension s’il réprimande un élève, en expliquant que sa ou son camarade souffre de troubles dépressifs.

Conscient de l’urgence, notre établissement a renforcé l’équipe de soutien psychologique. Ces trois dernières années, nous avons recruté un nouveau spécialiste par an, de sorte que l’équipe actuelle compte pas moins de six psychologues scolaires. Lorsqu’ils remarquent un élève qui s’automutile ou a besoin de médicaments, ceux-ci contactent le professeur principal et les parents, pour qu’ils l’emmènent consulter dans un établissement spécialisé.

Cependant, ce qui nous laisse perplexes, c’est que les élèves qui ont tenté de mettre fin à leurs jours ces quatre dernières années étaient plutôt des enfants sans histoire. Ils participent normalement aux activités, donnent l’impression d’être bien dans leur peau… Jusqu’à ce que ce qu’un incident apparemment anodin, comme un examen raté ou un avertissement du professeur principal, les pousse à passer à l’acte.

Un constat d’échec

Devant ce genre de situations, on se sent assez dépourvus. On n’ose plus rien dire, de peur de déclencher quelque chose. Naturellement, chaque fois qu’un élève en vient à commettre l’irréparable, c’est ressenti comme un échec par les enseignants. Lesquels peuvent eux-mêmes sombrer psychiquement, pour peu qu’ils ne bénéficient pas d’un soutien adéquat.

Mais ce sont les professeurs principaux qui doivent supporter la pression la plus pesante. De la séance de lecture du matin