
Le contraste est édifiant. En une du bimensuel India Today de juin 2025, une statue de la Liberté apparaît implacable, intransigeante… Impitoyable : “Rentrez chez vous !” semble-t-elle dire avec son bras à une foule d’étudiants désemparés – des étudiants indiens, en l’occurrence.
Car l’image tranche avec une autre couverture du magazine, pas si ancienne : il y a moins de deux ans, en juillet 2023, le même India Today célébrait le “Nouvel exode” des étudiants indiens qui s’envolaient le cœur léger vers un cursus à l’étranger.
Et surtout vers les États-Unis. “En 2023-2024, l’Inde était en tête du classement des étudiants étrangers sur les campus américains, détrônant la Chine, qui occupait cette place depuis 2009”, rappelle l’éditorial du numéro de juin 2025 :
“Sur un record historique de plus de 1,1 million d’étudiants étrangers aux États-Unis, les étudiants indiens représentaient 331 602, soit près de 30 %.”
Or “ce rêve va sans doute prendre fin” et “contrarier leurs projets de vie au moment même où ils s’apprêtaient à se concrétiser”. Gel des visas, fin des programmes d’échange, réduction drastique des plafonds d’étudiants étrangers dans les universités… Donald Trump est passé par là. Pour l’heure, explique India Today, “les étudiants indiens représentent déjà près de 50 % des personnes dont le visa a été annulé et qui risquent l’expulsion”.
“Nationalisme blanc”
Tous les secteurs sont touchés. Dans l’apprentissage, de nombreux jeunes Indiens doivent trouver dans l’urgence des solutions de rechange face à la probable annulation du Programme de formation pratique optionnelle (Optional Practical Training), qui avait permis à 97 556 étudiants indiens d’acquérir une expérience professionnelle aux États-Unis en 2023-2024.
Dans la recherche, “l’incertitude et la nervosité sont les sentiments dominants”. Aucun chercheur interrogé par India Today n’a voulu témoigner à visage découvert, par crainte de conséquences négatives sur l’obtention de leur visa. À raison, ajoute le magazine :
“La nouvelle composante ajoutée aux règles de visa consiste en une surveillance minutieuse des comptes [des étudiants candidats] sur les réseaux sociaux.”
Une forme de paranoïa s’est ainsi emparée des milieux universitaires… Dois-je effacer ce message ? Ai-je eu tort de liker tel post ? “Washington ne veut pas que la dissidence pénètre dans ses salles de classe”, résume le bimensuel, qui a recueilli le témoignage d’Elora Mukherjee, professeure à l’université Columbia. Cette politique “semble motivée par la cruauté, le nationalisme blanc et le racisme”, tranche-t-elle, les décisions concernant les visas étant désormais sujettes aux pires préjugés.
Et elles provoquent des conséquences difficiles à supporter pour les familles : la plupart des étudiants qui pensaient s’envoler à la fin de l’été ont déjà réglé des frais de scolarité ou réservé un logement – des sommes qui ne seront vraisemblablement pas recouvrables si le visa n’est pas obtenu. Une “tragédie en constante évolution”, conclut India Today.