views 5 mins 0 comments

Modern Love. J’ai épousé mon ami et colocataire pour tenter de le sauver

- Business
juin 22, 2025

Franchir tout juste marié le seuil de notre appartement avec mon nouvel époux dans les bras : peut-on rêver débuts plus romantiques ? En vérité, ce sont des ambulanciers qui ont fait passer la porte au corps fluet de Harry, alors sanglé dans un fauteuil. Je n’ai pu que les suivre à travers les volées d’escaliers, sa bonbonne à oxygène en travers des bras, ses tubes de dialyse comme seul lien entre lui et moi en cette après-midi d’avril.

C’était une des dernières fois où j’ai pu voir mon mari en vie. En l’espace d’un seul mois, je me suis fiancé puis marié à Harry, avant de le perdre, lui qui avait été mon ami et colocataire pendant presque vingt-cinq ans. Notre mariage, aussi surréel que notre histoire, a eu lieu la veille au Lincoln Hospital, dans le Bronx, le dimanche de Pâques 2022.

Harry, né Wing-Ho Chow, mon mari rétif qui voulait garder notre union secrète, venait d’exercer son droit à la confidentialité maritale et s’en remettait entièrement à mes soins. Il savait pourtant très bien que je partais le jour même pour l’université Purdue, où j’enseignais en parallèle de ma thèse. Les mois qui ont précédé sa mort m’ont épuisé, puisque j’ai dû multiplier les allers-retours entre l’Indiana et New York.

Squelettes dans le placard

Les mariages à l’hôpital ont beau être monnaie courante dans les films et les séries télé, ils restent extrêmement rares dans la réalité. Une seule infirmière à l’étage où Harry était alité en avait déjà vu un. L’événement était si rare que l’hôpital a voulu publier un communiqué à notre sujet, ce que Harry a refusé avec véhémence.

C’est qu’il avait plus d’un squelette dans le placard : je n’ai appris qu’il n’avait pas ses papiers que lorsque je l’ai dépêtré d’un imbroglio administratif. Alors qu’il devait donner son numéro de sécurité sociale, il m’a juste dit, paniqué : “Barrons-nous, vite !” Idem pour sa sexualité, il m’a demandé de ne dire à personne de notre immeuble que j’étais gay, sachant que nos voisins feraient le lien et devineraient son orientation.

Pour organiser notre mariage, j’ai contacté un prêtre catholique dont la paroisse venait en aide aux personnes en situation irrégulière. Ironie du sort, lui et moi avions déjà été amants, ce qui n’a fait que rendre la situation plus étrange encore. Et étrange, elle l’était : l’infirmier de son étage beau comme un apollon n’arrangeant rien, je me croyais dans un Almodóvar, avec ses personnages pansexuels dont l’érotisme rayonne tous azimuts.

Difficile pourtant de nous synchroniser. “Michael, je peux vous marier n’importe quand, mais pas le dimanche de Pâques. Dès lundi, j’aurai tout le temps du monde”, m’a expliqué mon ami prêtre. Mais ce n’était pas le cas de Harry. “Je ne passerai pas le week-end, il nous faut nous marier à Pâques”, m’avait-il glissé.

Sur Google, j’ai tapé “meilleur célébrant mariage New York” et une seule personne citée, Samantha Freire, mentionnait les mariages gays. Quand je l’ai contactée, elle m’a avoué n’avoir jamais officié dans un hôpital, mais elle a rapidement accepté. L’hôpital nous a fourni les ballons de baudruche et le mousseux, et