C’est l’un des nombreux événements organisés à l’occasion du jubilé d’Amsterdam, qui fête ses 750 années d’existence. Le 21 juin, l’autoroute A10 était fermée au trafic pour un festival qui a attiré quelque 200 000 personnes. Cet axe routier, sorte de périphérique de la capitale néerlandaise, n’a pas été choisi au hasard, relève De Groene Amsterdammer. Symboliquement, il s’agissait d’une “tentative de jeter des ponts”, notamment entre la ville intra-muros et ses quartiers périphériques.
Car Amsterdam est désormais la ville plus inégalitaire du pays en matière de revenus : “Le nombre de ménages millionnaires a triplé en dix ans”, tandis que 6 % de sa population vit sous le seuil de pauvreté.
Une identité historique
Le constat est d’autant plus douloureux qu’Amsterdam se targue d’être la ville de l’égalité des chances, souligne le magazine, qui consacre son dossier de couverture à cette contradiction. “L’égalité socio-économique n’y est pas uniquement un objectif de la gauche : elle est présentée comme une caractéristique historique”, au même titre que la proverbiale tolérance “en matière de convictions religieuses, d’origines et d’orientation sexuelle”.
“Cette image, poursuit l’hebdomadaire progressiste, la capitale la doit à sa tradition de logement social, qui a connu deux apogées, au début du XXᵉ siècle et dans les années 1970 et 1980.” Au début des années 1990, ajoute le journal, “près de 90 % des logements d’Amsterdam étaient des biens en location dont le loyer était encadré par le gouvernement.”
Que s’est-il passé pour que tout bascule en trente-cinq ans ? Dans Making the Middle-Class City (“Fabriquer la ville de la classe moyenne”, 2022, non traduit), les géographes Willem Boterman et Wouter van Gent identifient deux facteurs : la libéralisation progressive du marché immobilier et la présence croissante d’un électorat hautement qualifié – deux facteurs qui se renforcent mutuellement. La présence de cet électorat a favorisé les partis de droite libérale, notent-ils, mais elle a aussi poussé la gauche à défendre ses intérêts.
Libéraliser au nom de la diversité
Et c’est ce qui fait qu’à partir de 2006 des partis de gauche ont poursuivi “la politique de vente de logements sociaux lancée par une mairie plus libérale”. Au départ, l’objectif de cette politique était précisément la diversité – offrir plus de choix aux plus aisés, dans la perspective néolibérale que l’un n’empêcherait pas l’autre. Mais, progressivement, il s’est agi “de les attirer pour stimuler l’économie, tandis que la construction de logements sociaux était vue comme un frein au développement”, résume le journal.
En fin de compte, Amsterdam a connu une gentrification semblable à nombre de grandes villes. La différence, écrivent les deux géographes, cités par De Groene, c’est qu’ici ce processus s’est fait “sous couvert d’œuvrer à une ville sans divisions”.