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“À Blatten plus qu’ailleurs, on aime la montagne”

In Business
mai 31, 2025

La montagne leur a tout pris. Et pourtant, leur premier réflexe, c’est de vouloir y retourner. Leur première envie, c’est de vouloir reconstruire. Peu importe quand ou comment. Les montagnards n’ont pas peur de la montagne. Ils la respectent mais ne la craignent pas. Ils ont appris à vivre avec elle, chez elle. À Blatten plus qu’ailleurs, dans ce fond de vallée engoncé entre des monstres de pierre et de glace, on l’aime.

Jeudi matin, en descendant de mon éperon quasi natal pour aller travailler dans la capitale, je l’ai regardée. Elle est là, partout, tout le temps. Après ce qu’il s’est passé à Blatten, presque malgré moi, en traversant la plaine du Rhône, je l’ai vue différente.

L’éboulement du glacier du Birch qui a englouti le village de Blatten le 28 mai 2025. Courrier International

Ce Catogne, en face de moi, est-ce qu’il n’est pas prêt à s’affaler sur Bovernier ou Sembrancher ? Ce Chavalard qui fait la fierté des Fulliérains, quand va-t-il leur jouer la grande peur dans la montagne ? Et l’Ardève, qu’est-ce qu’elle attend pour s’en prendre aux Leytronins ? Mercredi matin, ces mêmes montagnes, je les trouvais juste magnifiques. Jeudi, elles avaient changé. Comme ce vieux pote sur qui vous avez toujours pu compter, mais qui, un jour, vous a fait un coup tordu.

Jeudi soir, après avoir vu, lu ou entendu la résilience des habitants du Lötschental, leur attachement à ce bout du monde, je suis redescendu sur terre.

On ne changerait pour rien au monde

On vit en montagne par choix. Parce qu’on aime sa beauté, sa rudesse, cet isolement, l’absence des scooters dans les ronds-points ou juste l’air frais des nuits de juillet. On accepte les longues routes sinueuses, les allers-retours pour aller au foot, à la danse ou au tennis. On sort la pelle à neige en hiver. On chauffe un peu plus tôt en automne, un peu plus tard au printemps. Mais on ne changerait pour rien au monde.

Et c’est pour ça qu’il faut les comprendre, ces gens de Blatten, fiers de leurs masques, de leur village, de leur vallée. Aujourd’hui ils pleurent. Demain ils feront tout pour retourner au pied de ces montagnes qui leur ont fait tant de mal. Comment juger cet attachement à la terre qui vous a vu naître, grandir ?

La montagne ne tue pas, elle ne détruit pas. La montagne est. Point. Pourquoi lui prêter des intentions humaines, des actes ? Elle était là avant nous. Elle sera là après nous.

Parce qu’on ne peut pas contrôler le danger qui nous pend sur la tête, on vit avec, on l’anticipe, on le gère du mieux qu’on peut. Eboulements, inondations, avalanches, laves torrentielles, séismes… on évolue dans un monde où tout ça existe. Et pourtant tous les Valaisans vous le diront. On vit dans le plus beau pays du monde. Blatten en tête. En toute humilité.