
C’est “une gifle pour le pouvoir”, une Marche des fiertés “historique” qui “humilie” le Premier ministre hongrois Viktor Orbán et “le pouvoir ultraconservateur, qui préférerait voir les queers entre quatre murs”, observe Le Soir.
Loin de rester terrés chez eux, les participants “en liesse” se sont au contraire massés dans les rues du Budapest, “agitant des drapeaux arc-en-ciel et des pancartes se moquant du Premier ministre, alors que leur cortège pacifique avançait à un rythme d’escargot”, raconte The Guardian.
Avec une affluence record de plus de 200 000 personnes – jusqu’à 300 000, selon certaines sources –, la Budapest Pride s’est clairement muée samedi en un acte de résistance massif à la politique “ultra” de Viktor Orbán, qui avait interdit le rassemblement – “mais avait autorisé deux marches de l’extrême droite sur le même parcours que le collectif LGBTQI”, note El País.
“Interdite par le gouvernement”, la Marche des fiertés de Budapest “est devenue un symbole de la lutte pour les droits, et pas seulement pour les personnes LGBTQI”, constate le quotidien espagnol. De fait, pour Bori, 50 ans, qui participe à la marche depuis vingt ans, “il ne s’agit pas de la Marche des fiertés, mais de choisir entre le bien et le mal”.
Aucune arrestation
En mars, le parti de M. Orbán avait fait adopter, “à la hâte, au Parlement une loi modifiant le droit de réunion, afin de rendre illégales les manifestations telles que les marches des fiertés, en vertu d’une loi antérieure interdisant tout matériel de ‘propagation’ de l’homosexualité”, rappelle le New York Times.
Les participants à ces rassemblements s’exposaient à des amendes pouvant aller jusqu’à 500 euros, tandis que les organisateurs risquaient jusqu’à un an d’emprisonnement.
Et vendredi encore, le Premier ministre “avait mis en garde la population contre le défilé interdit, menaçant de ‘conséquences juridiques claires’ toute personne y participant”, observe le quotidien américain. “Les avertissements du gouvernement n’ont cependant fait que transformer ce qui est habituellement un événement discret” – 35 000 participants en 2024 – “en un rassemblement de masse contre le gouvernement”.
Público craignait pour sa part “des arrestations massives, voire des affrontements, notamment après l’autorisation d’une contre-manifestation par le groupe ultranationaliste Nossa Pátria, en même temps que la marche LGBTQI”. Mais la police a finalement “modifié le parcours de la manifestation” d’extrême droite pour éviter les heurts. Et “aucune arrestation” n’a été signalée lors de la Pride, qui a défilé pacifiquement.
Orban a marqué “un énorme but contre son camp”
Pour de nombreux observateurs et analystes de la vie politique hongroise, l’interdiction de la marche des fiertés était une tentative pour Vicktor Orbán de flatter ses partisans, alors que le Fidesz, son parti, est en très mauvaise posture à moins d’un an des élections législatives.
Le cabinet de conseil hongrois Political Capital, interrogé par le Financial Times, observe que “le parti au pouvoir, le Fidesz, a tenté d’utiliser ce sujet pour présenter l’opposition comme étant centrée sur les questions progressistes et urbaines, mais cette tactique a échoué”. Et le Fidesz a été pris à son propre piège, risquant “de paraître faible s’il laissait la marche se dérouler, et autoritaire s’il réprimait”.
L’opposant Peter Magyar, largement en tête des sondages pour les législatives avec son parti Tisza, ne s’est d’ailleurs pas privé de déclarer que le gouvernement avait marqué “un énorme but contre son camp en tentant d’empêcher l’événement aujourd’hui”.
Pour Luca Kasas, un infirmier de 35 ans interrogé par le quotidien économique dans le défilé, le gouvernement a été trop loin en cherchant à interdire la Pride. “J’ai voté pour Orbán à plusieurs reprises, mais je ne le referai plus jamais”, déclare-t-il en regardant sa fille. “Je veux qu’elle grandisse dans un monde de liberté, et non d’oppression.”