“Jamais assez.” C’est une mannequin alourdie d’une robe de 30 kilogrammes qui est présentée en couverture du magazine Vogue Taïwan de février, avec un cliché de la photographe Zhong Lin. La tenue, explique l’éditorial du magazine, est “composée de vieux vêtements recyclés combinés à de la terre agricole réutilisable” et veut “refléter le lourd fardeau de la demande infinie des consommateurs”.
Vogue Taïwan cite l’écrivaine américaine Anna Lappé : “À chaque fois que vous dépensez de l’argent, vous votez pour le type de monde que vous voulez”.
“Lorsque nous cliquons sur le bouton d’achat pour satisfaire nos propres désirs égoïstes, renchérit le magazine, la surconsommation n’est plus un choix personnel mais un syndrome collectif de toute une époque. Ce que nous consommons, ce ne sont pas seulement des biens, mais aussi des ressources, du temps et une compréhension de nos véritables besoins.”
“Le même bourbier”
Dans un étonnant exercice de contrition pour un magazine de mode, Vogue cite l’ouvrage Les Limites à la croissance de 1972, plus connu sous le nom de “rapport Meadows”, commandé à l’époque par le Club de Rome, qui s’alarmait déjà à l’époque de la trajectoire induite par la surconsommation, dont la charge allait dépasser les capacités de ressources de la Terre.
Or, “cinquante ans plus tard, nous sommes toujours dans le même bourbier”, tranche l’éditorial. Cette idée a donné naissance à une nouvelle prophétie sur les habitats du futur, poursuit le magazine :
“Dans un monde où les terres habitables sont limitées en raison de la montée du niveau de la mer, nous devenons des nomades saisonniers, migrant constamment en raison de conditions météorologiques imprévisibles. […] Nous commençons à porter nos maisons sur notre dos, comme des escargots.”
Une dystopie déclinée en photos dans le cahier central du magazine, où la mannequin porte accessoirement, en plus de sa “robe de déchets”, des bottes Balenciaga, un pantalon Prada et un haut Marrknull. On ne se refait pas.