Trois ans sans matchs de qualification à l’Euro pour l’équipe nationale, sans Ligue des champions ni adversaires de prestige pour les clubs, le football russe traverse une période difficile. L’équipe de Krasnodar semblait bien mal partie pour gagner le championnat national de Russie, la Première Ligue russe. Pourtant, ce 24 mai, elle a été sacrée championne de Russie pour la première fois depuis sa création en 2008, après avoir gagné (3-0) contre le Dynamo Moscou. L’équipe a triomphé dans un contexte d’“isolement total du football russe”, constate le média en exil russe Meduza.
Un isolement qui se prolonge jusque dans les vestiaires. Le départ massif de joueurs étrangers, autorisés par la Fifa à suspendre unilatéralement leurs contrats, a laissé des trous béants dans les effectifs. À Kazan, le club Rubin a perdu Khvicha Kvaratskhelia, aujourd’hui vainqueur de la Ligue des champions avec le PSG. À Krasnodar, six titulaires ont quitté le club, et le nouvel entraîneur allemand, Daniel Farke, a tourné les talons sans avoir dirigé un seul match.
Pour combler le vide, les clubs ont dû miser sur les joueurs russes. En 2022-2023, ceux-ci représentaient plus de 70 % des effectifs, du jamais-vu depuis 2007. Et pourtant, les grandes équipes préfèrent encore les recrues étrangères : en mars 2025, le Zénith (de Saint-Pétersbourg) n’aligne qu’un seul joueur local sur le terrain et ne confie qu’un quart du temps du jeu total à ses footballeurs nationaux cette saison.
“Un espace sans oxygène”
Mais les joueurs étrangers ne viennent plus “de la Pologne, de la Tchéquie, de la Suède ou du Danemark, note un journaliste sportif russe interrogé par Meduza. Il y a désormais beaucoup plus de Brésiliens et d’Argentins. On voit des Uruguayens, des Algériens, des Iraniens, et même des Jamaïcains ou des Panaméens.”
L’économie du football russe a elle aussi changé de cap. Privés des primes de l’UEFA, à l’image des 40 millions d’euros perçus par le Zénith lors de sa dernière campagne européenne, les clubs se tournent vers les paris sportifs. La plateforme Winline est devenue le principal sponsor de la ligue, avec un contrat pouvant atteindre 10 milliards de roubles (environ 111 millions d’euros) par an à partir de 2026. Des clubs majeurs comme le Spartak, le Dynamo ou encore le CSKA multiplient les accords avec ces sociétés.
Quant à l’équipe nationale, elle s’enferme dans une série de victoires sans encaisser de but, mais contre des “adversaires de faible niveau”, écrit Meduza, citant notamment Cuba, Brunei, la Grenade et la Zambie. Le commentateur Sergueï Krivoharchenko déplore ainsi :
“On verra le déclin de l’équipe russe, car nos joueurs stagnent dans cet espace sans oxygène, alors que leurs rivaux, eux, continuent de progresser.”
En 2022, la fédération russe avait envisagé de rejoindre la Confédération asiatique. “Nous étions très proches de l’Asie. Pour les clubs, c’est une nouvelle source de revenus ; ils ne seront plus repliés sur eux-mêmes”, rappelait en 2024 son secrétaire général.
Mais la Russie a préféré rester dans l’UEFA, avec l’espoir d’un retour, notamment pour le Mondial 2026. “Si un jour ça arrive, tout le monde sera content. Mais mieux vaut se préparer au pire que de se faire des illusions”, a tranché le sélectionneur, Valeri Karpine.