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Veronika Denner se croyait mourante. Elle avait du sang dans ses selles et souffrait d’hyperactivité vésicale [qui se manifeste par une envie impérieuse d’uriner]. La douleur qu’elle ressentait était si forte, si invalidante, qu’on aurait dit qu’on lui enroulait du fil barbelé autour du diaphragme, des intestins et du pelvis. À l’hôpital, on lui a prescrit une série d’examens standards : un bilan sanguin, avec analyse des marqueurs d’inflammation, et une échographie abdominale. Mais les tests n’ont rien révélé de particulier, et le médecin a conclu que c’était le stress, expliqué par ses traumatismes d’enfance et son emploi du temps d’étudiante.
Contrariée de n’avoir pas été prise au sérieux, la jeune femme a consulté médecin après médecin. Elle raconte qu’un gastro-entérologue l’a qualifiée de “drama queen, comme de nombreuses femmes de son âge”. Un autre a dit qu’elle était psychopathe et qu’elle s’inventait des symptômes pour manipuler son entourage. “Ils se sentaient frustrés de ne pas trouver la solution à mes problèmes”, explique-t-elle.
En réalité, Veronika Denner souffrait d’endométriose, une maladie [gynécologique, où l’endomètre, la muqueuse qui recouvre la cavité utérine, se développe à l’extérieur de l’utérus] qui touche environ 10 % des femmes en âge de concevoir. La forme particulièrement agressive dont elle était atteinte entraînait la formation de tissus excédentaires dans le vagin et le tube digestif. Incapables de diagnostiquer cette affection, les médecins ont décrété que le problème était dans sa tête et lui ont prescrit du Xanax [un anxiolytique] pour apaiser l’anxiété.
Un “diagnostic par défaut”
Malheureusement, l’expérience de Veronika Denner est loin d’être exceptionnelle. Plus d’un tiers des patientes atteintes d’endométriose sont diagnostiquées à tort comme souffrant de problèmes psychiques, ce qui, aux États-Unis, contribue à retarder de plus de quatre ans en moyenne l’établissement d’un diagnostic correct. De nombreux patients atteints de lupus ou d’autres maladies auto-immunes vivent des expériences semblables : 36 % d’entre eux auraient rapporté avoir reçu un diagnostic de trouble de santé mentale ou de “symptômes médicalement inexpliqués”.
La santé mentale est ainsi devenue un “diagnostic par défaut”, affirme la jeune femme. Les médecins y ont recours quand ils ne comprennent pas ce qu’il se passe. Or les diagnostics erronés peuvent entraîner une cascade d’effets délétères.
D’après Richard Schwartzstein, qui dirige le service de pneumologie, de soins intensifs et de médecine du sommeil du centre médical Beth Israel Deaconess [un centre hospitalier universitaire de Boston, lié à la Harvard Medical School], l’acharnement de la médecine à vouloir apporter à tout prix une réponse ne date pas d’hier. Après tout, les patients se présentent avec une constellation de symptômes que le corps médical a la responsabilité d’interpréter. Les médecins hésitent donc à montrer qu’ils doutent. “Ils ont du mal à admettre qu’ils ne savent pas quoi vous dire ou qu’ils préféreraient vous diriger vers un autre médecin plus qualifié”, explique Veronika Denner.
Les patients n’aiment pas non plus qu’on les renvoie à droite et à gauche. “Il y a des patients qui se disent : ‘Pourquoi e