Dans une armée russe où les contrats sont prolongés indéfiniment, de plus en plus de soldats cherchent à quitter le front en Ukraine. Blessures auto-infligées, certificats médicaux falsifiés, pots-de-vin : l’enquête du média en exil russe “Meduza” sur un système parallèle bien rodé, où fuir la guerre peut coûter jusqu’à plusieurs millions de roubles.
Fin mai 2024, le kontraktnik [soldat engagé sous contrat] Nikolaï (nom changé) est déployé à Kourdioumivka, un village du Donbass passé sous contrôle russe. La mission de son groupe d’assaut : rejoindre une unité d’un autre bataillon russe en poste depuis six mois près de la ligne de front, en vue des positions ukrainiennes. Par petites étapes, de sous-sol en sous-sol, sous l’œil constant des drones ukrainiens, l’unité de Nikolaï arrive au parc industriel du village où, comme l’a assuré le commandement, les forces russes ont un point d’appui.
Ce “point d’appui” s’avère être l’intérieur d’une conduite souterraine de 1,5 mètre de diamètre, probablement destinée à l’évacuation des eaux usées. “Quand je me suis retrouvé dans ce tuyau, j’ai été horrifié, raconte Nikolaï. Ce n’étaient plus des hommes, c’étaient des squelettes émaciés, crasseux, épuisés. Ils survivaient comme à l’âge de pierre : ils buvaient l’eau saumâtre qui coulait dans la canalisation, ils y infusaient des mégots pour faire du ‘thé’. Parfois, ils arrivaient à faire un saut rapide dans le champ voisin pour voler du grain. Le café qu’on avait apporté, ils le mangeaient à la cuillère. L’ersatz de sucre, ils l’engloutissaient par paquets entiers.”
Impossible d’acheminer des vivres ou d’effectuer une rotation de personnel : les drones ukrainiens planent en permanence, les fortifications des Ukrainiens sont “si proches qu’on les entend parler”, raconte Nikolaï. Son unité se retrouve vite piégée elle aussi. Dès la pre
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La Méduse est un site d’informations russophone basé en Lettonie, fondé en octobre 2014 par l’ex-rédactrice en chef du site russe Lenta.ru, Galina Timtchenko. Après son éviction par l’actionnaire de Lenta.ru, en mars 2014, elle s’expatrie, avec une partie de son équipe, estimant qu’elle ne peut plus exercer son métier librement en Russie. “Nous sommes pour la liberté de la diffusion de l’information…Nous méprisons la propagande et préférons au journalisme d’opinions, le journalisme de faits”, tels sont les principes mis en avant par le titre.
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