
À peine leurs bottes posées sur le sol russe, ils sont déjà de retour sur le champ de bataille. Le 25 mai s’est achevée sur le territoire de la Biélorussie la troisième étape d’un vaste échange de prisonniers de guerre avec Kiev, au format “mille contre mille” conforme aux accords d’Istanbul. Les caméras du ministère de la Défense russe filmaient alors les “hourras” scandés par les militaires russes.
Cependant, en coulisses, plusieurs sources ont indiqué que nombre de ces anciens prisonniers de guerre “avaient été transférés dans des unités militaires”, puis envoyés vers la ligne de front. C’est notamment ce qu’affirme l’ONG Idite Lesom, qui aide les soldats à échapper à la mobilisation et au service militaire ou à déserter, interrogée par le média en exil Novaïa Gazeta Europe.
“Nos gars ont survécu à l’enfer en captivité”, témoigne une proche d’un soldat libéré lors d’un échange le 19 mars. “La plupart ont des blessures par éclats [d’obus], des commotions cérébrales, des fractures mal soignées. Ils ont tous besoin de soins […] Or on les envoie en première ligne”, s’indigne une jeune femme dans un message relayé par le journal d’opposition.
Vides juridiques
“Ils passent d’abord par un interrogatoire du FSB [les services de la sécurité intérieure russes]” avant d’être renvoyés dans leurs anciennes unités, parfois en zone de guerre, selon Ivan Chuvilyaev, représentant d’Idite Lesom.
“Les militaires sont obligés de signer un nouveau contrat avec le ministère de la Défense dès leur retour. Souvent, celui-ci est signé à leur place.”
Une pratique proscrite par la convention de Genève, qui interdit d’employer les anciens prisonniers de guerre dans des opérations militaires actives. Cependant, selon l’avocat Maxim Grebenyuk, cité par Novaïa Gazeta Europe, le ministère de la Défense s’appuie sur une autre faille juridique, invoquant l’article 110 qui prévoit le rapatriement obligatoire des captifs gravement blessés ou malades.
Pourtant, d’après le décret de Vladimir Poutine sur la “mobilisation partielle”, le retour de captivité ne constitue pas un motif de libération du service. Autrement dit, les anciens prisonniers de guerre sont toujours considérés comme des soldats en service et les contrats signés avec le ministère de la Défense comme sans limite de durée.
“En théorie, un soldat dont l’état de santé s’est détérioré après sa captivité peut demander une commission médico-militaire pour être réformé. En pratique, il est très difficile d’y parvenir à l’heure actuelle”, explique au média un avocat de Prizyv k sovesti, un projet de défense des droits humains.
Et le scénario risque de se répéter, alors que des prisonniers grièvement blessés et des jeunes de moins de 25 ans font l’objet depuis ce 9 juin d’un nouvel échange, à l’issue d’un accord conclu une semaine plus tôt entre Moscou et Kiev à Istanbul. Les défenseurs des droits humains craignent que ces anciens captifs soient renvoyés au combat, comme l’ont été avant eux des mobilisés en 2024 ou encore des conscrits de la région de Koursk échangés en septembre dernier.