J’ai passé cinq jours en Serbie, d’abord à Belgrade, puis à Novi Sad, la deuxième ville du pays. J’ai parlé à des dizaines de personnes, j’ai entendu assez de récits de vie pour en faire un roman. Pourtant, pour la première fois de ma carrière de journaliste, je ne sais pas quoi écrire. Ce qui s’est passé le soir du 1er février à Novi Sad dépasse l’imagination au point qu’aucun article ni reportage télé ne peut le décrire. Il s’agit de ces moments de l’histoire face auxquels on se tait et on observe…
Je suis arrivé avec l’idée erronée que les Serbes étaient en train de renverser le régime d’Aleksandar Vucic et que j’écrirais sur sa chute. En chemin, lors de la marche du 1er février de Belgrade à Novi Sad, j’ai compris que ce n’était qu’une partie infime, un grain de sable dans l’histoire de la contestation qui secoue actuellement la Serbie. Aux yeux des étudiants, Vucic ne compte pas, ils s’en fichent, et c’est ce qui l’afflige peut-être le plus. Qui sera le président de la Serbie, cela leur importe peu. Cela pourrait être, me dit une étudiante, la Panthère rose.
L’important, c’est que les institutions fonctionnent, que les lois soient respectées. Que les responsables d’un crime soient sanctionnés d’une peine de prison et non pas promus à une fonction importante. L’important, c’est que chacun soit responsable de son travail, de ses paroles, de ses actes. Bref, ces Serbes se révoltent contre le système, contre l’arbitraire. Leur lutte ne pourrait pas être qualifiée de politique, les étudiants n’ont pas de leader, de positions politiques arrêtées, ils se fichent du pouvoir et de l’opposition. Ni de gauche ni de droite, qui sont-ils alors ? Eh bien, c’est ce qui effraie le plus le pouvoir.
Aspiration à un monde nouveau et meilleur
À un moment donné, la contestation devrait quitter la rue et les revendications des étudiants être confiées aux instituti