“Se rendre en Suisse sans tester l’entrecôte au beurre Café de Paris, c’est comme aller en Espagne et ne pas goûter à la tortilla de patatas. Cela fait partie de ces emblèmes nationaux touchés par la grâce de la gastronomie.” C’est le “nirvana” qu’El País promet à ses lecteurs qui pousseront la porte du Café de Paris, brasserie genevoise dont la sauce éponyme a assuré la réputation. Car de française, la sauce Café de Paris n’a que le nom, et l’esprit de son ingrédient principal, le beurre, puisque, bien sûr, “la France, c’est le beurre !”
Cette sauce est “composée d’une vingtaine d’ingrédients, voire d’une trentaine dans certains cas. Mais reste à savoir lesquels.” El País propose une recette de ce beurre aromatisé, riche de 24 ingrédients, dont ketchup, moutarde, câpres, anchois, cognac, citron, avec moult herbes et épices. Le beurre pommade ainsi obtenu pourra être délayé dans de la crème pour une sauce plus ou moins liquide.
Le chef israélo-britannique Yotam Ottolenghi, la prépare avec seulement 14 ingrédients et la sert avec un céleri-rave rôti. D’autres la marient avec du pigeon, voire des moules.
“Ce beurre, c’est notre or”
Le journal espagnol rappelle l’histoire de cette préparation imaginée en 1930 par un certain M. Boubier, restaurateur genevois, qui transmettra la recette à sa fille, mariée au propriétaire du Café de Paris (renommé “Café de Paris, Chez Boubier” en 2011). “Le succès a été tel que le restaurant a fini par supprimer les autres plats de sa carte.” L’enseigne adopte ainsi une “stratégie peu commune, poursuit Atlas Obscura, qui consiste à servir un plat unique, mais à le faire bien. Depuis lors, le restaurant ne sert que de l’entrecôte, cuite à votre convenance, et accompagnée de salade verte, de frites et de la fameuse sauce au beurre.”
Une formule désormais proposée jusqu’en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis et en Espagne, où l’enseigne a plusieurs adresses. Un restaurant franchisé a aussi ouvert à Lille en 2023. “Ce beurre, c’est notre or”, indiquait l’actuel propriétaire du restaurant genevois à 24 Heures en 2023. Il s’en exporte plusieurs dizaines de tonnes par an dans le monde.
Selon le récit du quotidien suisse, François Vouillamoz et son fils “sont les seuls à préparer ce beurre. La recette est bien gardée. Elle dort dans un coffre-fort, à l’agence UBS, proche du restaurant […]. Le mélange d’épices qui fait la particularité de cette sauce arrive par camion à 4 heures du matin, pour échapper au regard des curieux. Père et fils réceptionnent les sacs et se mettent au travail quand Genève est encore plongé dans l’obscurité.”
“Stratégie marketing”
Entretenir la légende d’une recette secrète est certainement bon pour les affaires mais relève d’un récit commercial, nuance El País, citant Rosa Tovar, cheffe et historienne de la gastronomie : “Parler de recette secrète en cuisine est absurde, et dans ce cas précis, cela ressemble surtout à une stratégie marketing. La recette existe depuis des millénaires, elle est même mentionnée dans des textes du XIIIe siècle, et aucune sauce n’est unique.”
Le succès du Café de Paris a fait “naître une rivalité avec d’autres restaurants”, écrit aussi Atlas Obscura. Le média en ligne évoque notamment Le Relais de Venise, restaurant créé par Paul Gineste de Saurs, à Paris, en 1959, avec une même formule unique et une “sauce secrète” au beurre. Elle est désormais servie dans les restaurants L’Entrecôte, disséminés en France, et si appréciés des touristes.
