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Le club littéraire de trois rappeurs danois

- Business
mai 31, 2025

Vous connaissez l’histoire des trois rappeurs d’Aarhus [une ville de la côte est du Danemark] qui, un jour, entrent dans un studio d’enregistrement pour parler de Hemingway ? Ce n’est pas une mauvaise blague. Il existe bien un podcast intitulé Club de lecture des rappeurs.

Aalen, Sean Lightfoot et Soren Karim ont déjà enregistré treize épisodes [sur de grands classiques de la littérature nordique et plus largement occidentale]. Ils ont lu La Chute, d’Albert Camus, Le Pasteur de Vejlby, de Steen Steensen Blicher, et La Faim, de Knut Hamsun. Sans compter Karen Blixen et Tom Kristensen. Leur projet, tel qu’ils le présentent à leurs followers sur Instagram, est de “déstigmatiser le rappeur dans notre société et, tout simplement, de démocratiser la lecture des œuvres de fiction”.

Cette idée de club de lecture leur trottait dans la tête depuis longtemps. “Cela n’allait pas de soi de créer un club de lecture, parce que nous avons pas mal d’amis qui n’aiment pas lire, avoue Soren Karim Bech, âgé de 34 ans. Ceux qu’on côtoie d’habitude parlent surtout de foot ou de rap.” Mais avec son ami d’enfance Christian Molgaard, surnommé “Aalen”, lui aussi âgé de 34 ans, il discute littérature depuis qu’ils ont commencé à explorer les bibliothèques de leurs parents, dans leur jeunesse.

Aalen n’est pas seulement un rappeur underground et un lecteur enthousiaste : il possède aussi une licence en langues et littératures nordiques et a commencé – deux fois ! – un master en histoire de la littérature à l’université. Il a donc adhéré à l’idée du club de lecture. Et quand Soren Karim Bech, lors d’un dîner à Vestergade [une rue du centre-ville d’Aarhus], a soumis l’idée à un troisième ami, le rappeur Sean-Poul de Fré Gress, âgé de 39 ans et surnommé “Sean Lightfoot”, il a proposé d’en faire un podcast : le Club de lecture des rappeurs. Après tout, en tant que rappeurs, ils sont censés savoir communiquer d’une manière différente, amusante et originale.

Un verre de vin pour lâcher prise

Depuis, ils ont reçu 50 000 couronnes danoises [6 700 euros] de la Fondation danoise des arts, acheté du matériel d’enregistrement et créé un épisode test pour trouver le bon format. Les podcasts sont maintenant enregistrés. Et pas seulement en studio puisqu’ils ont également créé les premières versions live. L’été prochain, ils iront même jusqu’à Bornholm [île danoise en mer Baltique] pour partager leur amour de la littérature. C’est devenu une addiction.

Je leur demande s’ils passent sous silence leur intérêt pour les livres quand ils sont avec leurs amis rappeurs. “Comme ils ne viennent pas tous d’une famille bourgeoise, la littérature ne leur est pas familière. Mais les rappeurs font preuve d’une saine curiosité pour le langage, donc ce n’est pas forcément un sujet tabou bien que vraiment ringard pour certains d’entre eux”, me répond Soren Karim Bech. “Les livres, ce n’est pas trop leur truc”, ajoute Molgaard. “La plupart des gens trouvent que les livres sont ennuyeux, voire un peu mystiques, ou même ésotériques. Il peut être difficile d’aborder le sujet”, estime Bech.

Alors quand ils se retrouvent au studio de podcast le vendredi soir, c’est avec un verre de vin et dans une ambiance détendue de veille de week-end. Il faut que les auditeurs perçoivent une atmosphère conviviale, expliquent-ils. “Si on est un peu éméchés, nos langues se délient”, constate Sean-Poul de Fré Gress en souriant.

Une préparation minutieuse

Ils se préparent consciencieusement avant chaque épisode, se renseignent sur les éventuelles polémiques entre l’écrivain et ses collègues, la biographie de l’auteur et l’accueil des con