“Les talibans sont confrontés à une révolte interne au sujet des droits des femmes”, indique The Telegraph, et cela “pourrait déboucher sur un véritable conflit en Afghanistan”. Le mollah Haibatullah Akhundzada, chef suprême du pays et leader du mouvement fondamentaliste islamiste, est confronté à une rébellion de la part de plusieurs ministres de haut rang. Ces derniers sont en désaccord sur les très strictes restrictions imposées aux femmes, interdites de participer à la vie économique, et aux filles, privées d’éducation.
Parmi les frondeurs figurent Sirajuddin Haqqani, ministre de l’Intérieur, Mohammad Yaqoob, ministre de la Défense, et Sher Mohammad Abbas Stanikzai, vice-ministre des Affaires étrangères. Ces derniers souhaiteraient que les talibans soient plus progressistes.
Cadres talibans en fuite
Après avoir émis des critiques à l’égard du chef suprême, Sher Mohammad Abbas Stanikzai a fait l’objet d’un mandat d’arrêt et a pris la fuite vers Dubaï. Sirajuddin Haqqani aurait également quitté le pays. Des soldats ont été déployés à l’aéroport de Kaboul pour empêcher d’autres hauts dirigeants de partir à l’étranger. Il s’agit de la plus grave crise interne qu’aient connue les talibans depuis qu’ils ont repris le pouvoir en Afghanistan, en août 2021.
Le conflit qui fait rage au sein de la direction des talibans a été révélé par des messages audio ayant fuité, poursuit le quotidien britannique. Sher Mohammad Abbas Stanikzai a ainsi déclaré :
“Les restrictions imposées aux femmes sont la volonté personnelle de certains anciens talibans et sont contraires à l’islam.”
“L’obéissance à un chef est conditionnelle, et si un chef s’écarte du droit chemin ou émet des décrets nuisibles, il ne doit pas être suivi”, a-t-il également affirmé.
Le mois dernier, lors d’une cérémonie de remise des diplômes dans le sud-est de la province de Khost, près de la frontière afghano-pakistanaise, Sher Mohammad Abbas Stanikzai a réitéré ses critiques envers la politique du chef suprême, comme l’avait rapporté le Guardian : “Nous sommes injustes envers 20 millions de personnes. Il n’y a aucune justification à cela, que ce soit aujourd’hui ou à l’avenir. À l’époque du prophète Mahomet, les portes du savoir étaient ouvertes aux hommes comme aux femmes.”
Peu après ce discours, “Akhundhzada a ordonné son arrestation afin de faire taire les dissidents au sein de la direction”, mais “Stanikzai s’est enfui aux Émirats arabes unis avant que les autorités ne puissent l’arrêter”, précise le Telegraph.
La faction dure de Kandahar
Haqqani et Yaqoob sont sur une ligne similaire et s’opposent à la “monopolisation” du pouvoir par la faction dure d’Akhundzada, qui vit reclus à Kandahar. Haqqani, le ministre de l’Intérieur, se trouve entre Dubaï et Riyad depuis le 22 janvier.
“Une scission officielle au sein des talibans pourrait affaiblir leur mainmise [sur l’Afghanistan], en provoquant des luttes intestines, des défections et une perte d’autorité centralisée”, prévient le Telegraph.
“La direction suprême à Kandahar conserve son autorité, et rien n’indique une quelconque mutinerie”, juge néanmoins Michael Kugelman, du groupe de réflexion Wilson Centre, cité par le Telegraph. “Nous constatons d’importantes dissensions de la part de certains dirigeants, mais il ne s’agit pas de quelque chose qui s’est transformé en une forme de rébellion interne plus large”, poursuit-il.
Lutte entre deux factions
L’absence simultanée de plusieurs hauts responsables talibans “est le signe d’une escalade des tensions entre la faction kandaharie et le réseau Haqqani”, juge au contraire Amu TV.
“Ces absences témoignent clairement de l’intensification des conflits entre les dirigeants, notamment en ce qui concerne la consolidation du pouvoir par Akhundzada”, a indiqué l’une des sources citée par Amu TV, un média à destination des Afghans.
“Les talibans ont toujours essayé de se présenter comme un front uni sous l’égide d’un chef suprême. Mais, aujourd’hui, nous voyons des voitures à Kaboul avec des photos de Sirajuddin Haqqani et des banderoles indiquant ‘Réseau Haqqani’. C’est un message clair : ils ne veulent plus obéir à Kandahar”, a déclaré au Telegraph un médecin de Kaboul.