Une tendance lourde, bien qu’aucune donnée précise ne l’étaye, se confirme de mois en mois : depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Espagne est devenue une destination de choix pour les objecteurs de conscience russes.
Certains demandent l’asile politique (ils étaient 500 dans les premiers mois de l’invasion en 2022), d’autres préfèrent rester discrets et attendre que “cela passe” pour pouvoir rentrer au pays. Dans un reportage à Madrid, publié par le service en langue bulgare de la Deutsche Welle, on apprend que la plupart de ces Russes sont des hommes en âge de combattre, qui ont fui la mobilisation de septembre 2022.
Mais parmi eux figurent aussi de véritables déserteurs de l’armée russe, comme un certain “Piotr” (il s’agit, comme les suivants, d’un nom d’emprunt), le plus discret parmi ceux qui ont accepté de témoigner. Il affirme, sans donner plus de détails, qu’il a réussi à s’échapper d’un hôpital militaire situé à proximité de la ligne de front.
Première escale, l’Arménie, puis le Monténégro, avant d’arriver jusqu’à la capitale espagnole. Il résume :
“Je me suis enfui parce que j’en avais assez des mensonges, du sang et des ordres criminels de mes supérieurs.”
Même en Espagne, Piotr dit craindre d’être rattrapé par le “long bras de Moscou” pour sa trahison.
Itinéraire “exotique”
“Nikolaï”, lui, est un objecteur de conscience qui est arrivé clandestinement depuis la Turquie, en faisant une partie du trajet à travers l’Europe en stop, et l’autre dans des cars transportant des réfugiés… ukrainiens. Aujourd’hui, il affirme bien gagner sa vie sur un chantier et a même réussi à faire venir sa femme et sa fille de Russie.
“Léonid” est un petit entrepreneur de la région de Moscou qui, le jour où il a reçu sa convocation pour rejoindre l’armée russe en Ukraine, a compris qu’il ne voulait pas perdre sa vie ou sa santé pour ce qu’il appelle “une cause obscure”.
Comme d’autres, il a alors pris la direction de la Géorgie, avant d’entendre parler de Madrid par d’autres objecteurs de conscience. Mais comment s’y rendre sans visa Schengen ?
Après avoir étudié plusieurs possibilités, il décide finalement d’emprunter un itinéraire qu’il qualifie d’“exotique”, mais éprouvé : celui des migrants venus d’Afrique. Ainsi, il se rend d’abord en avion de Turquie au Maroc, où il prend place sur une embarcation clandestine jusqu’aux côtes espagnoles. Prix du voyage : 2 000 euros. Aujourd’hui, il travaille dans les cuisines d’un restaurant madrilène et attend que les autorités statuent sur sa demande d’asile politique.
Selon José Luis Guerra, un avocat qui s’occupe des problèmes des migrants, les Russes choisissent l’Espagne parce que l’attitude à leur égard dans ce pays est “loyale et humaine”.