39 views 5 mins 0 comments

Modern Love. En berçant les nourrissons d’inconnus, j’ai retrouvé foi dans la tendresse

- Business
février 23, 2025

Pour le rencontrer, j’avais dû franchir deux contrôles d’accès, montrer mon badge deux fois et attendre également deux fois que l’infirmière de garde me fasse signe de passer. Il y a une bonne raison à cela : il arrive que des bébés disparaissent de l’unité de néonatalogie.

J’étais venue effectuer ma toute première mission en tant que “câlineuse de bébés” bénévole. Les câlineurs de bébés sont une espèce bizarre dans l’environnement hospitalier, pas tout à fait des nourrices et plus que des doudous. Tout ce que nous avons à faire, c’est nous asseoir dans un fauteuil à bascule et bercer l’enfant de personnes que nous ne connaissons pas en le tenant contre nous du côté gauche, le côté du cœur, pour partager avec lui ces battements mammifères qui répètent sans cesse : “Je suis là. Tu es là.” C’est tout. Rien de plus.

Lorsque j’ai entendu parler du besoin croissant de bénévoles dans ce domaine, je me suis dit : “Tu peux le faire. Ce n’est pas grand-chose.” Mais j’ai néanmoins soigneusement évité pendant plusieurs semaines le formulaire de candidature qui traînait sur mon bureau.

Pourquoi ? Parce que je n’aime pas les hôpitaux. Parce qu’il y a quelques décennies, pendant ses trois dernières années de vie, mon jeune mari y est allé 33 fois et, d’une certaine façon, moi aussi. Parce que rester assis sur une chaise dans une salle d’attente aseptisée en espérant un miracle est une chose qui draine toute votre âme. Parce qu’à la fin, je ne pouvais rien faire d’autre pour lui que lui donner un glaçon et tenir sa main.

Être utile dans ce monde tordu

Sa mort m’a laissée avec un profond sentiment de vide et d’impuissance. Répondre à des besoins aussi profonds par de petits gestes me paraissait dérisoire. La seule chose qui échappait encore à mon cynisme était les câlins. Mes enfants étaient devenus de jeunes adultes, et le parfum des tout-petits, leur poids dans mes bras me manquaient. Alors j’ai cherché un travail bénévole, une façon d’être utile dans ce monde tordu. Je sentais qu’il manquait toujours un morceau dans mon cœur : j’avais déjà vécu presque deux fois plus longtemps que mon mari, et j’avais l’impression d’avoir quelque chose à me faire pardonner. Peut-être la chance que j’avais eue en comparaison de son triste destin ?

J’ai donc rempli un dossier à l’hôpital. J’ai suivi une formation auprès du chef de l’unité de soins spécialisés. Il ne me restait plus qu’à attendre qu’ils aient besoin de moi. C’est arrivé six mois plus tard.

En entrant dans le service de néonatalogie, j’ai été accueillie par une cacophonie de bips et de sonneries sur un fond de chuintement, celui des moteurs qui balançaient de tout petits lits. J’ai vite appris qu’ici le temps se mesurait en tétées ou biberons, changements d’intraveineuses et visites du médecin.

Les bébés qui séjournaient dans cette unité étaient si fragiles, et sur de si nombreux plans ! Il y avait des prématurés qui avaient besoin de temps pour prendre du poids et devenir plus forts. Sur les pancartes blanches au pied de leur lit, les infirmières avaient écrit des messages comme : “Travail du jour : mang