
Je viens d’apprendre dans l’excellent journal qui m’héberge une fois par semaine que le philosophe et théologien Jean-Marc Tétaz a tout perdu à Blatten. Ou plus précisément à Ried, où il avait installé sa vie, ses travaux et ses idées. Les 170 mètres linéaires de sa bibliothèque, les notes d’une vie, les trésors de ses aïeux, les Mémoires de son grand-père, exilé du nazisme. “Tout.” Englouti par le cône de déjection [lorsque l’effondrement du glacier du Birch a enseveli le village, le 28 mai]. Qu’il soit assuré de ma profonde compassion.
Nous vivons paraît-il à l’ère de la donnée infinie. Non plus seulement du big data, mais du très très très big data, de l’omni-data. Nos moindres faits et gestes deviennent inéluctablement des 0 et des 1 dans quelque serveur dûment réfrigéré quelque part. Tout est stocké, traité, traitable, mouliné ou moulinable et in fine monétisable.
Cette vaste entreprise a pour corollaire un principe moteur, qui est aussi sa finalité dans une large mesure : la dématérialisation. L’effacement du tangible devenu encombrant, au profit de sa copie numérique, équivalente et à portée de fibre optique. En économie et en anglais, les actifs dématérialisés s’appellent d’ailleurs les “intangibles”. Et sont suffisamment