
Un ballon en plastique rose trône au milieu de l’image, orné d’un ruban rose satin. L’image évoque un “gender reveal”, ces fêtes américaines au cours desquelles est dévoilé le genre de la future progéniture. En l’occurrence, cette fois, c’est une fille : “Ouf !” lit-on sur le ballon.
C’est avec ce soupir de soulagement que The Economist nous informe du “stupéfiant déclin de la préférence pour les garçons”, dans son édition datée 7 juin. L’hebdomadaire britannique l’assure : après des décennies d’avortement sélectif en faveur des hommes, et des “millions de filles avortées parce qu’elles étaient des filles”, la tendance s’inverse.
En 2000, à l’échelle mondiale, 1,6 million de filles prévues dans les pronostics de naissance n’ont jamais vu le jour. Vingt-cinq ans plus tard, ce chiffre tombe à 200 000 et “il continue de baisser”. Cette chute a été particulièrement rapide dans les régions où la préférence masculine était la plus forte, à l’instar de la Corée du Sud.
Dans les pays où les parents étaient déjà désireux d’une mixité dans la fratrie, comme les États-Unis ou ceux de Scandinavie, “les couples sont plus nombreux à essayer d’avoir une fille” et ils paient davantage pour adopter si c’est une fille.
Il est toutefois à noter que les parents “n’avortent pas les garçons parce qu’ils sont des garçons”, et qu’aucun grand pays n’a encore de surplus notable de filles.
L’avenir au masculin en question
Pour The Economist, qui rappelle avoir qualifié l’avortement de masse des filles de “genricide” en 2010, “le déclin mondial de ce fléau est une bénédiction”. Déjà parce qu’il témoigne d’une “atténuation” de l’idée profondément sexiste selon laquelle avoir un garçon est plus valorisant.
Mais aussi parce qu’il signifie que les hommes seront moins nombreux à être condamnés au célibat à vie. Surnommés les “branches nues” en Chine, ils ont été – et sont encore – des millions à “éprouver un ressentiment intense” vis-à-vis de cette solitude imposée, ce qui les rend plus enclins à la violence et accroît le danger qui pèse sur les femmes. Cette transition “rendra donc une grande partie du monde plus sûre”, assure l’hebdomadaire.
Mais si l’on peut se réjouir que les filles soient préférées, on peut aussi s’interroger : pourquoi avoir un garçon a-t-il fini par rebuter les parents ? The Economist répond sans détour : leurs perspectives s’assombrissent.
Au niveau mondial, 93 % des détenus sont des hommes et ils sont majoritaires dans les faits de violence. Ils ont pris du retard à l’école, sociabilisent moins, se sentent plus seuls, se suicident plus. Cela en fait, des raisons de s’inquiéter.
Face à ce constat, la solution pourrait être de rééquilibrer les rôles : inciter les hommes à se diriger vers des métiers féminins, comme ceux du care [soins], ou “leur offrir davantage de modèles masculins positifs”, à l’école notamment.
D’autant que si les générations futures venaient à se féminiser, d’autres problématiques surgiraient et les femmes pourraient à leur tour peiner à trouver un partenaire. Finalement, si c’est le meilleur des deux scénarios, cela ne le rend pas souhaitable pour autant, souligne l’hebdomadaire.