Au troisième étage d’un immeuble en banlieue d’Avignon, une aide-soignante d’une quarantaine d’années essuie ses larmes. Cette femme, que nous appellerons “Charlotte”, peine à trouver ses mots pour raconter le jour de l’arrestation de son mari, en 2021.
“Les policiers ont été très gentils avec moi mais je me sentais complètement vidée. Je ne me souviens de rien, assure-t-elle. J’ai travaillé dur pour ne pas tout perdre et ça a vraiment ruiné ma santé.” Au début, personne ne lui a dit de quoi il était accusé. Mais à la fin de l’année dernière, le monde entier savait ce qu’il avait fait.
Il y a deux mois, le mari de Charlotte a été condamné à huit ans de prison pour avoir violé Gisèle Pelicot, au centre du plus retentissant procès pour viol qu’ait jamais connu la France. Dominique Pelicot, quand il était encore son mari, invitait des hommes à violer sa femme, qu’il droguait régulièrement avec des anxiolytiques.
Ces viols répétés, pour lesquels Dominique Pelicot a été condamné à vingt ans de prison, ont eu lieu pendant plus de dix ans chez eux dans le village de Mazan, à une petite trentaine de kilomètres de l’appartement de Charlotte et de son mari. Cinquante autres hommes ont été condamnés à des peines allant de trois à quinze ans de prison.
Au prix de sa santé mentale
Charlotte est la première à accepter de donner une interview. Elle a demandé que son nom et celui de son mari soient changés par crainte des représailles. Le lendemain de notre rencontre, elle ira rendre visite à son mari en prison, à une heure et demie de voiture, près d’Aix-en-Provence, un rituel qu’elle accomplit toutes les semaines. Elle le soutiendra toujours, cela ne fait aucun doute pour elle, mais cette décision lui coûte très cher. “Au bout du compte, ce sont les familles qui ont souffert le plus, et non les accusés”, assure-t-elle.
“La plupart des femmes ont perdu leur travail. Les enfants ont dû arrêter d’aller à l’école. C’était un carnage.”
Elle a dû payer plus de 20 000 euros de frais de justice pour son mari. Elle doit aussi payer sa nourriture ainsi que la location de sa télé et de son frigo en prison. Sa santé mentale et physique en a fait les frais, car elle doit désormais travailler deux fois plus pour payer le loyer et les factures qui étaient auparavant partagées par le couple.
“À force de pleurer, j’ai eu des problèmes aux yeux, raconte-t-elle. Je dormais deux heures par jour. J’avais tellement maigri que j’ai dû être hospitalisée. Mais c’était ça ou me retrouver à la rue. Je n’avais pas le choix.”
Elle reconnaît qu’elle était très en colère contre lui pendant les deux premiers mois de sa détention, quand elle n’avait aucun contact avec lui. “Mais je voulais connaître sa version des faits.” Et elle a désormais un autre point de vue. “Il faisait trop c