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Cannes 2025 – Le Maroc mise sur l’avenir et la coproduction

In Monde
mai 29, 2025

Au cœur de la 78ᵉ édition du Festival de Cannes, la présence marocaine s’affiche avec une cohérence et une ambition renouvelées. Pour la première fois, le Royaume du Maroc, à travers le Centre Cinématographique Marocain (CCM), installe un stand institutionnel au sein du Marché du Film, affirmant avec force une stratégie de rayonnement portée par les Hautes Orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Cette participation marque un tournant pour le cinéma marocain, pensé comme levier de diplomatie culturelle et vecteur de visibilité internationale.

Le stand marocain, installé au cœur de l’effervescence professionnelle du Marché du Film, se veut plus qu’un simple espace d’exposition. Il est conçu comme une plateforme stratégique de rencontres, de valorisation et de structuration du secteur. Cinq films marocains y sont mis en avant, dont quatre projets projetés dans les salles du Marché : The Wound de Seloua El Gouni, La Dernière répétition de Yassine Fennane, Le Lac bleu de Daoud Aoulad-Syad, et Hôtel de la paix de Jamal Belmejdoub. Une présentation exclusive des premières images de The Black Pearl d’Ayoub Qanir, actuellement en cours de finalisation, complète cette sélection. Ces œuvres témoignent, chacune à leur manière, d’un dynamisme artistique et d’une diversité de regards qui incarnent l’évolution actuelle du paysage cinématographique marocain.

 

 

Lors de l’ouverture du stand, Abdelaziz El Bouzdaini a souligné que « le Marché du Film représente une plateforme stratégique pour les créateurs, les institutions et les partenaires. La présence du Maroc cette année reflète une volonté claire d’inscrire durablement notre production cinématographique dans les grands circuits de coopération et de diffusion ». Une déclaration qui inscrit cette initiative dans une stratégie de long terme, à la fois ambitieuse et structurée.

La présence marocaine à Cannes ne s’arrête pas au Marché du Film. Elle se déploie aussi dans les sélections officielles du Festival, affirmant la reconnaissance croissante des jeunes voix du pays. Le court-métrage L’Mina de Randa Maroufi figure à la 64ᵉ Semaine de la Critique, tandis que Boujloud de Rita Bousfiha-Lamotte est sélectionné aux AI Film Awards Cannes 2025. Deux œuvres qui traduisent l’émergence d’une nouvelle génération de cinéastes, aux écritures affirmées et à la portée déjà internationale.

Autre marque de rayonnement, deux longs métrages tournés au Maroc ont été retenus par le Festival : Sîrat de l’Espagnol Oliver Laxe, en compétition officielle, tourné dans le désert marocain avec une équipe technique locale, et 13 jours, 13 nuits de Martin Bourboulon, présenté hors compétition. Deux productions qui confirment à la fois l’attractivité du territoire marocain comme terre de tournage et l’expertise technique de ses professionnels. Cette double reconnaissance s’inscrit dans une politique volontariste de développement des infrastructures, de professionnalisation des équipes et de mise en valeur des paysages et savoir-faire marocains.

 

 

Ce mouvement s’inscrit dans une dynamique plus large, où la culture devient outil de diplomatie et d’influence. Le Maroc sera en effet l’invité d’honneur de la 82ᵉ Mostra de Venise. Des discussions sont également en cours pour une présence marocaine à la Berlinale et au Festival international du film de Tokyo. Trois étapes majeures d’une stratégie qui entend faire du Royaume un acteur incontournable sur la scène cinématographique mondiale.

Cette stratégie d’internationalisation repose aussi sur un engagement clair envers les jeunes générations. Le 18 mai 2025, au Pavillon Marocain, un atelier de coproduction Maroc-France a été organisé par le CCM et le CNC, à l’occasion du premier anniversaire de l’accord de coproduction signé entre les deux pays. Cinq projets ont été sélectionnés parmi des candidatures de jeunes cinéastes marocains : La maison des anges de Jihane Joypaul, La piste de Mohcine Nadifi, Laissées pour compte de Kenza Tazi, Le champ de Mohamed Bouhari et Malik, un projet d’animation porté par Khalid Nait-Zlay.

Tous ces projets, portés par des réalisateurs ou réalisatrices en tout début de carrière, bénéficient à Cannes d’un accompagnement concret : rendez-vous professionnels personnalisés, rencontres avec des producteurs français, conseils pour l’élaboration de coproductions efficaces. Une démarche qui vise à soutenir le renouvellement générationnel du cinéma marocain et à inscrire les jeunes talents dans un cadre international dès la genèse de leurs projets.

La présence de Madame Rachida Dati, Ministre de la Culture de la République française, au Pavillon Marocain a ajouté à cet atelier une dimension institutionnelle forte. En rencontrant notamment les équipes de La maison des anges et de Malik, elle a réaffirmé l’engagement de la France en faveur de la coopération artistique avec le Maroc et souligné l’importance de ces échanges pour les industries culturelles des deux pays.

 

 

Au fil des initiatives, le Maroc esquisse ainsi les contours d’une politique culturelle ambitieuse et cohérente, fondée sur la valorisation de ses créateurs, l’ouverture aux partenariats, et l’ancrage de son cinéma dans les circuits internationaux de création, de diffusion et de coproduction. La présence à Cannes 2025, articulée autour d’une triple dimension – institutionnelle, artistique et pédagogique – incarne un tournant stratégique dans cette vision globale.

Mais au-delà des images, des chiffres et des présences, une question se pose désormais : cette politique d’exportation et de structuration saura-t-elle nourrir un écosystème interne durable, capable d’offrir aux créateurs marocains, au-delà des projecteurs cannois, les conditions d’une liberté artistique et d’une véritable autonomie de production ? Alors que s’ouvrent les prochaines échéances internationales, cette interrogation demeure au cœur des défis que le cinéma marocain devra relever pour affirmer pleinement sa place sur la carte mondiale du 7ᵉ art.

Neïla Driss, d’après communiqués