La section Un Certain Regard du Festival de Cannes 2025 s’est achevée sur une note d’émotion et d’engagement, marquant un moment fort pour le cinéma arabe et en particulier pour la Palestine et la Tunisie.
Cette année, la sélection a mis en lumière 20 longs métrages venus du monde entier, dont 9 premiers films éligibles à la Caméra d’or. Fidèle à son ambition de révéler des voix singulières, cette section parallèle au sein de la sélection officielle a honoré des œuvres audacieuses, politiques et puissamment ancrées dans les réalités contemporaines.
Dès la soirée d’ouverture, un événement inédit a donné le ton de cette édition 2025 : pour la première fois dans l’histoire du Festival, c’est un film tunisien qui a ouvert Un Certain Regard. Promis le ciel, réalisé par Erige Sehiri, a ainsi inauguré la section avec élégance et conviction. Après Sous les figues, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2022, la cinéaste tunisienne confirme son ancrage dans le paysage international, offrant cette fois une œuvre plus ample, à la fois intime et politique, où la quête de liberté se mêle aux blessures de l’histoire contemporaine. Ce choix d’ouverture résonne comme un signal fort, tant pour le cinéma tunisien que pour la reconnaissance des cinéastes arabes à Cannes.
Mais c’est un autre film arabe qui a marqué les esprits et conquis le jury : Once Upon a Time in Gaza, réalisé par les frères Arab & Tarzan Nasser, a remporté le Prix de la Mise en Scène. Le film s’impose comme une œuvre bouleversante, aussi poignante que nécessaire, qui plonge au cœur d’une Gaza ravagée, dans une fresque à la fois réaliste et poétique, où l’humain résiste à l’absurde du quotidien sous blocus.
Les deux cinéastes palestiniens, connus pour leur cinéma engagé (Dégradé, Gaza mon amour), livrent ici leur film le plus puissant à ce jour, dans un contexte d’urgence extrême. La récompense qu’ils reçoivent dépasse le cadre purement artistique : elle symbolise un geste de reconnaissance, à l’heure où les artistes palestiniens peinent à faire entendre leur voix sur les scènes internationales, alors même que leur terre est en proie à une violence sans précédent.
La présidente du jury, la cinéaste britannique Molly Manning Walker, entourée de Louise Courvoisier, Vanja Kaludjercic, Roberto Minervini et Nahuel Pérez Biscayart, a salué la richesse et la diversité des propositions. Le palmarès reflète cette diversité, avec des prix attribués à des cinéastes émergents venus d’horizons variés.
Palmarès – Un Certain Regard 2025
- Prix Un Certain Regard : La Misteriosa Mirada del Flamenco (Le Mystérieux Regard du flamant rose) de Diego Céspedes — premier film
- Prix du Jury : Un Poeta de Simón Mesa Soto
- Prix de la Mise en Scène : Arab & Tarzan Nasser pour Once Upon a Time in Gaza
- Meilleur Acteur : Frank Dillane dans Urchin de Harris Dickinson
- Meilleure Actrice : Cléo Diára dans O Riso e a Faca (Le Rire et le couteau) de Pedro Pinho
- Meilleur Scénario : Pillion de Harry Lighton — premier film
Dans un monde qui vacille, le cinéma d’Un Certain Regard rappelle que les regards singuliers sont plus que jamais nécessaires. Et cette année, ils sont venus de Gaza, de Tunis, de Lisbonne, de Bogota ou encore de Londres, portés par une génération de cinéastes qui filment pour exister, pour résister, et pour continuer à croire au pouvoir du récit.
Neïla Driss