Le cauchemar de Lina Nabil Safaa et Yasmine Nawwas a débuté par le bourdonnement lancinant d’un drone de l’armée israélienne. Dimanche 9 février, l’engin militaire s’est posté devant les fenêtres des deux voisines de 26 et 28 ans, dans le camp de réfugiés de Nour Shams, à la lisère de Tulkarem, en Cisjordanie occupée. « Par le biais d’un haut-parleur fixé sur le drone, les soldats nous ont ordonné de quitter notre maison dans la demi-heure », raconte d’une même voix les deux mères de famille, rencontrées le lendemain, dans un centre d’accueil d’urgence géré par le Croissant-Rouge palestinien, à Anabta, à 8 kilomètres de chez elles.
Pour quitter les lieux sous la pluie et les tirs d’armes automatiques, et dans le froid, les habitantes de Nour Shams ont dû marcher pendant plusieurs heures, avec leurs neuf enfants et deux autres amies, sur un chemin caillouteux accidenté et pentu. C’est ce que montre une vidéo filmée par les jeunes femmes et consultée par Le Monde. Cette « route très difficile », sur laquelle elles traînaient quelques valises de vêtements remplies à la va-vite, était la seule voie autorisée par l’unité israélienne opérant dans la zone, raconte Lina Nabil Safaa, le poignet bandé après une chute survenue lors de son départ forcé. A cause des rues détruites au bulldozer blindé, qui emporte au passage canalisations et infrastructures, aucune ambulance du Croissant-Rouge n’a pu leur venir en aide.
Dans son appartement, où elle est brièvement retournée le jour même pour récupérer sa carte d’identité oubliée, la jeune Palestinienne a trouvé une dizaine de soldats. « Certains se lançaient des verres dans notre cuisine, en rigolant », affirme-t-elle. Tous les hommes de l’immeuble, dont leurs maris, ont été retenus dans le camp. Selon elles, les soldats israéliens les ont interrogés, puis placés dans un autre bâtiment, d’où ils peuvent donner des nouvelles régulières à leurs proches, par téléphone. « Mes enfants n’arrêtent pas de demander comment va leur père, dit Yasmine Nawwas. Nous sommes très inquiets pour lui. » Au dernier checkpoint de l’armée israélienne, près du village de Bala, les militaires ont indiqué au groupe de femmes et d’enfants qu’il serait impossible de revenir sur place avant « au moins deux semaines ».
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