Saura-t-on, un jour, ce que se sont dit pendant plus de deux heures, le 16 juillet 2018, à Helsinki, le président Donald Trump et le président Vladimir Poutine ? Probablement pas. Ils ont mené cet entretien en tête-à-tête, sans preneurs de notes ni collaborateurs, seulement assistés de deux interprètes. Leur conférence de presse conjointe, ensuite, a révélé leurs différences, jusque dans leur gestuelle – Trump, massif, le pas lent, la moue volontiers expressive, Poutine, petit et agile, sautant sur l’estrade, le visage impénétrable – et, en même temps, une certaine complicité dans leur refus de se laisser imposer le récit de ces élites libérales qu’ils détestent.
Ce récit, à l’époque, était celui d’une collusion entre les services secrets russes et l’entourage de Trump qui aurait contribué à sa victoire sur Hillary Clinton en 2016. Aux Etats-Unis, un procureur spécial et le FBI enquêtaient. Le sujet et les dénégations des deux chefs d’Etat occupèrent une bonne partie de la conférence de presse, jusqu’à ce que Trump finisse par admettre que, en dépit de la confiance qu’il avait dans les services de renseignement américains, « le président Poutine s’était montré extrêmement fort et convaincant dans ses démentis ». Trop heureux de cette marque de respect, Poutine avait ajouté : « Ecoutez, j’ai moi-même été un agent secret. Je sais comment ces dossiers sont montés. »
Près de sept ans plus tard, Trump est de retour, Poutine est toujours là, et leur relation reste empreinte de mystère. C’est pourtant de cette relation que va dépendre, dans les semaines qui viennent, le sort de l’Ukraine, puisque le président Trump s’est juré de mettre fin à la guerre dévastatrice qu’y mène Poutine. Et du sort de l’Ukraine dépend aussi celui de l’Europe, qui ne sait si son « allié » américain compte l’associer ou non à un éventuel règlement.
Mépris des valeurs humanistes
Les deux présidents se sont rencontrés cinq fois pendant le premier mandat Trump (2017-2021) ; ils se sont téléphoné à plusieurs reprises depuis, y compris depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022, si l’on en croit le journaliste Bob Woodward. Aujourd’hui, ils se jaugent à nouveau, dans un monde qui a basculé.
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