La réforme du scrutin municipal pour Paris, Lyon et Marseille a été massivement rejetée, mardi 3 juin, au Sénat, un contretemps important pour ses soutiens, en premier lieu le premier ministre François Bayrou, mis sous pression par ses alliés Les Républicains (LR) qui demandent l’abandon du texte.
La droite y est hostile, l’immense majorité de la gauche aussi, et même le bloc central a reconnu certaines carences : l’article phare de la proposition de loi d’origine macroniste a connu un sort funeste dans l’hémicycle de la chambre haute du Parlement, avec seulement 97 voix pour son adoption face à 217 oppositions.
Adoptée à l’Assemblée nationale, début avril, avec l’appui de l’exécutif, de La France insoumise (LFI) et du Rassemblement national (RN), la réforme mettrait fin au mode de scrutin mis en place en 1982 dans la loi PLM, en vertu duquel les électeurs à Paris, Lyon et Marseille votent dans chaque arrondissement pour une liste de conseillers, les élus du haut de la liste siégeant au conseil d’arrondissement et au conseil municipal.
« Respecter la parole de chacune des assemblées »
Dans sa version approuvée par les députés, elle prévoyait à la place d’instaurer deux scrutins, l’un pour élire les conseillers d’arrondissement ou de secteur, l’autre pour élire ceux du conseil municipal, sur une circonscription unique. Avec une ambition : rendre le scrutin « plus lisible », rapprocher les électeurs du choix de leur maire et faire en sorte « qu’un électeur égale une voix ».
Ce rejet sans équivoque de la chambre haute en première lecture complique la tâche des soutiens du texte, porté par le député de Paris Sylvain Maillard et soutenu par François Bayrou. Le premier ministre convoquera-t-il une commission mixte paritaire (CMP), réunion de sept sénateurs et de sept députés chargés de négocier pour aboutir à un texte commun ?
Le ministre des relations avec le Parlement, Patrick Mignola, n’a pas voulu le confirmer totalement mardi, estimant que cela relevait d’une « décision collective ». Mais il a tout de même ouvert la porte en faisant savoir qu’il fallait « respecter la parole de chacune des assemblées », refusant de donner une « prééminence » au Sénat.
Ces dernières heures, plusieurs membres du camp gouvernemental avaient assuré à l’Agence France-Presse qu’une CMP était bien envisagée sur ce texte même si le Sénat le rejetait. Mais rien n’assure qu’un accord émerge, ce qui pourrait conduire l’exécutif à décider d’enjamber le Sénat en donnant le dernier mot à l’Assemblée nationale. Une opération à haut risque, car il faudrait alors assumer de voter un texte avec le RN et LFI, et contre les alliés de la droite.
Pression sur le gouvernement
Mardi, pas une voix n’a manqué au groupe LR pour s’opposer au texte critiqué par le nouveau président du parti, Bruno Retailleau, et par le président du Sénat, Gérard Larcher.
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La droite est même allée plus loin en mettant la pression sur le gouvernement : « Par notre vote, nous envoyons un signal clair. Le retrait de cette réforme s’impose », a lancé le vice-président du groupe LR, Laurent Somon, qui a par la suite assuré à l’AFP que la droite serait « inflexible » sur sa position en cas de CMP. « Si le gouvernement veut aller au bout de sa réforme, il va se fragiliser », martèle la rapporteuse (LR) du texte, Lauriane Josende.
François Bayrou avait assuré en février qu’il « n’imagin[ait] pas qu’un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu’il y ait accord de l’Assemblée nationale et du Sénat ». Une déclaration que de nombreux opposants au texte, et en premier lieu le président des sénateurs LR, Mathieu Darnaud, ont surlignée dans leur bloc-notes.
Les partisans du texte, eux, n’ont pas jeté l’éponge. Si les sénateurs ne s’ouvrent pas aux discussions, « la seule chose qui est sûre, c’est que la réforme se fera sans le Sénat », a pointé, mardi, la sénatrice MoDem Isabelle Florennes. « Nous ne devons pas nous mettre dans cette situation. »
Mais dans une chambre qui ne compte aucun « insoumis » et seulement une poignée d’élus RN, la balance a très largement penché pour un rejet. D’autant que les socialistes, deuxième groupe du Sénat, ont eu la même vision que la droite, à l’exception de leurs élus marseillais. Cette réforme « ouvrirait un chaos démocratique qu’aucun d’entre nous ne veut », a insisté Anne Hidalgo devant le Conseil de Paris.