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Un homme condamné en Suède pour “incitation à la haine” après avoir brûlé des corans

- Business
février 05, 2025

Initialement, ils étaient deux à être poursuivis pour “incitation à la haine contre un groupe ethnique”, après avoir brûlé en Suède quatre exemplaires du Coran en 2023. Jusqu’à ce que des inconnus n’assassinent, le 29 janvier, le principal instigateur et acteur de ces autodafés, Salwan Momika. Ne restait plus que son comparse, Salwan Najem, arrivé en Suède en 1998 et qui a obtenu la nationalité suédoise en 2005, qui a été condamné lundi 3 février à Stockholm.

Selon le tribunal, les autodafés incriminés ont “clairement excédé ce qui constitue un débat et une critique objectifs”, même si dénigrer l’islam n’est pas répréhensible en soi et s’il existe “une grande marge de manœuvre pour critiquer la religion” dans le cadre de la liberté d’expression, résume le quotidien libéral Dagens Nyheter en citant des extraits du jugement (disponible ici en anglais).

Le prévenu prétendait précisément avoir agi sous la protection de la liberté d’expression. Des vidéos des quatre autodafés le montrent en train de filmer Salwan Momika au moment où celui-ci mettait le feu au livre sacré des musulmans, le piétinait ou l’enveloppait de bacon, tout en injuriant l’islam et les musulmans par mégaphone. Un de ces autodafés avait eu lieu devant la principale mosquée de Stockholm, au premier jour d’une fête importante pour les musulmans.

Accueil mitigé

Salwan Najem, qui a été également reconnu coupable de fraude aux prestations sociales, a été condamné “à une peine avec sursis et à une amende journalière” proportionnelle à ses revenus, a annoncé le tribunal, sans plus de détails. “Mon client ne peut accepter d’être condamné pour quelque chose qu’il n’a pas fait”, a protesté son avocat, Mark Safaryan, cité par le quotidien libéral Expressen. Il a l’intention de faire appel.

Cette décision de justice, intervenue cinq jours après le meurtre de Salwan Momika, a été accueillie de différentes manières dans le pays. Rappelant que ces réfugiés irakiens avaient particulièrement insulté les musulmans, notamment en les comparant à “des cafards”, un éditorialiste du Dagens Nyheter estime que ces autodafés tombaient bien sous le coup de “la nouvelle loi sur l’incitation à la haine contre un groupe ethnique”, entrée en vigueur en juillet 2024.

Un jugement “équitable”, estime pour sa part Aftonbladet. D’après ce journal proche de l’opposition sociale-démocrate, “le plus important, c’est qu’il souligne que la critique de la religion n’est pas un délit”.

Si la décision du tribunal “n’est pas surprenante”, faut-il pour autant “considérer comme un délit” les actes commis par les deux Salwan, Najem et Momika, et des actes de ce type ne devraient-ils pas être “autorisés, ne serait-ce que parce qu’ils peuvent servir à attirer les extrémistes et à les repérer ?” s’interroge pour sa part Svenska Dagbladet, de tendance conservatrice.

Délit de blasphème ?

Dans une tribune publiée par Expressen, un des défenseurs de la liberté d’expression en Suède, Nils Funcke, est nettement plus critique. Certes, “la profanation des écritures saintes, des pratiques et des prophètes religieux peut être une manière particulièrement brutale de critiquer la religion, mais ça n’est pas, et ne devrait pas, être un crime”. Pour lui, le tribunal, avec son raisonnement, a réintroduit le délit de blasphème, aboli en Suède en 1970.

Des voix s’élèvent désormais – notamment dans Svenska Dagbladet – pour que l’État suédois accorde une protection à Salwan Najem, afin qu’il ne subisse pas le même sort que son camarade d’autodafé. Momika a été tué par balles chez lui dans la soirée du 29 janvier, au sud-ouest de Stockholm, alors que le tribunal devait initialement se prononcer le lendemain.

Les cinq personnes arrêtées dans la foulée ont été remises en liberté le 31 janvier, même si “les soupçons pesant contre elles n’ont pas été complètement écartés”, relevait alors Aftonbladet. Alors que l’enquête se poursuit, ce meurtre provoque encore des réactions politiques. Lundi, la vice-Première ministre, la chrétienne-démocrate Ebba Busch, l’a qualifié d’“échec énorme” pour le pays.